Saïd, un gardien d'immeuble, témoigne des violences qu'il a subies vendredi de la part d'un jeune de la cité. Une manifestation de soutien est organisée aujourd'hui.
Maïram Guissé | Publié le 10 avril 2014, 07h00/http%3A%2F%2Fwww.leparisien.fr%2Fimages%2F2014%2F04%2F10%2F3755485_11-0-4272339732_545x341.jpg)
LES QUESTIONS FUSENT dans la tête de Saïd, il tente de comprendre pourquoi il a été agressé. C'est arrivé vendredi dernier, à 15 h 30. Ce gardien de la résidence réputée difficile des Champioux, à Argenteuil, raconte : « Un jeune qui habite ici est venu et m'a mis un coup de poing alors que j'étais en train de sortir les conteneurs », détaille-t-il d'une voix calme.
Saïd n'est pas le premier agent agressé. Alors, la CGT de l'office HLM AB Habitat (AB-H) veut réagir. Elle organise, aujourd'hui à midi, unemanifestation devant la maison de quartier du Val-Notre-Dame située juste en face de la résidence. « Nous condamnons avec la plus grande fermeté ce type d'acte, martèle le syndicat. Chaque agent doit pouvoir exercer sa mission de service public en toute sécurité. » Cette action, à laquelle participe la direction d'AB-H et où les locataires sont invités à se mobiliser, est importante pour Saïd, 43 ans. « Je me sens soutenu », réagit celui qui a reçu la visite de Philippe Rêve, le directeur général de l'office.
Aujourd'hui encore, Saïd essaie de comprendre les raisons d'un tel geste. « Cette agression est totalement gratuite », indique-t-il, installé sur une chaise de la loge de gardien où il est passé voir sa collègue qui travaille seule le temps de son absence. Il reprend justement aujourd'hui, après six jours d'arrêt de travail. Après l'agression, il s'est rendu au commissariat d'Argenteuil avec son responsable pour déposer une plainte. « Quand je suis arrivé, mon agresseur était aussi devant le commissariat. Il était là pour un litige avec une personne de la résidence possédant un chien, qui l'aurait mordu, détaille le gardien. Là, il m'a redonné un coup de poing, côté gauche. » Le gardien, de nouveau choqué, fait demi-tour. Il dépose finalement plainte mardi. Le bailleur, qui l'emploie depuis deux ans, se porte dans le même temps, partie civile. « En vingt ans de métier, dont deux ici, je n'ai jamais eu de problèmes, et j'ai déjà travaillé dans des quartiers plus difficiles, il doit avoir quelque chose contre moi ou contre les gardiens en général », regrette Saïd. Pourtant, les jeunes, il sait leur parler. « Je suis très investi dans la vie associative d'Argenteuil, j'aide des personnes en difficulté, j'ai l'habitude de ce public », précise-t-il. La peur, il ne la ressent pas, mais l'inquiétude oui. « J'ai une femme et une petite fille, comment rassurer mon épouse ? Mon agresseur peut recommencer... et peut-être même s'en prendre à ma famille, je ne vais pas me laisser faire comme ça, ce n'est pas un gamin de 19 ans qui va faire sa loi avec moi », réagit le quadragénaire. Saïd aimerait que la justice soit « ferme et rapide, sans ça les agressions vont perdurer ». Ce raisonnement, sa collègue, en poste depuis huit ans aux Champioux, le partage. « Les locataires doivent comprendre que nous sommes là pour améliorer leur cadre de vie, c'est un métier déjà difficile, nous n'avons pas à vivre dans un climat de peur », peste- elle. « Ici, il y a du squat et d'autres problèmes... », renchérit Saïd, qui reste passionné par son métier.
Si la situation ne bouge pas, il envisage de demander « à changer de site surtout pour préserver sa famille ». La CGT souhaite qu'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) soit organisé. « Cette agression fait suite à de nombreux incidents qui se produisent depuis des mois dans diverses cités, indique le syndicat. Nous réaffirmons que ce n'est pas en développant le clientélisme, en cédant aux pressions, aux violences que la tranquillité s'installera dans les cités. » La direction précise « qu'une procédure au civil et au pénal va être engagée pour que la famille du locataire visé soit expulsée ». A ce jour, d'après nos informations, le jeune homme n'aurait pas encore été entendu par les policiers, ce qui ne saurait tarder.