« On ne peut pas laisser ainsi à la rue des gens qui sont nés ici ». Toujours en colère, le collectif de défense du centre d’hébergement d’urgence (Chu) d’Argenteuil (Val-d’Oise), fermé depuis le 31 juillet, a manifesté le 29 septembre, avant d’être reçu par le sous-préfet.
« La municipalité ne mesure pas l’émotion dans la population qu’a créé la fermeture du Chu, ça fait scandale que les plus précaires, les plus pauvres, les plus cassés, soient ainsi délaissés ».
Enseignante retraitée, la militante Élise Languin (Vérité et justice pour Ali Ziri, Amnesty International) fait partie de ceux qui défendent âprement la réouverture « avant l’hiver » du centre d’hébergement d’urgence, cette structure municipale qui accueillait les sans-abri, que la municipalité a fait fermer le 31 juillet.
« Comme nous l’avons dit au sous-préfet Cyril Alavoine qui nous a reçus, six villes du Val-d’Oise ont des accueils de jour [pour les sans-abri], Cergy en a trois et la plus grande ville du département n’en a plus… Et pas de toilettes publiques, une seule à la gare, c’est payant et ça ne fonctionne pas toujours ».
Une situation insupportable pour le collectif de défense du Chu, qui s’est à nouveau mobilisé, vendredi 29 septembre, aux côtés d’associations, partis et organisations de gauche. Des dizaines de personnes ont marché entre la mairie et la sous-préfecture pour exiger sa réouverture.
Parmi elles, les sénateurs Rachid Temal (Ps) et Pierre Barros (app. Pcf).
Fin juillet, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait rejeté le référé-liberté déposé par le comité de défense du Chu, l’association Droit au logement et la Ligue des droits de l’Homme.
Le Chu d’Argenteuil « offrait le minimum vital : une douche, un repas, un espace de repos »
Créé en 2009, sous l’égide de l’ancien maire Philippe Doucet (Ps), le Chu d’Argenteuil « offrait le minimum vital : une douche, un repas, un espace de repos, une machine à laver à une centaine de personnes dont 18 en accueil de nuit », souligne le comité de défense, qui dénonce « une fermeture au cœur de l’été ».
« Un choix politique », selon le comité de défense qui stigmatise « une chasse aux pauvres ».
Georges Mothron : « Certains veulent faire de la mousse là où il n’y en a pas besoin »
Le maire (Lr) d’Argenteuil, Georges Mothron, s’en défend. « Comme on le voit aujourd’hui (Ndlr, le jour de l’inauguration de l’extension du foyer Adoma), on montre les preuves d’une bonne insertion à Argenteuil des personnes précaires. Certains veulent faire de la mousse là où il n’y en a pas besoin ».
Les 18 personnes de l’accueil de nuit ont été transférées dans des hôtels du 115, à Saint-Prix et Goussainville « où elles n’ont pas la possibilité de faire leur cuisine et ce qui a brisé leurs liens avec Argenteuil, alors qu’elles sont toutes d’Argenteuil », insiste Élise Languin.
Pour l’accueil de jour, « on leur dit, comme Cergy et Bezons sont pleins, d’aller dans d’autres centres… à Paris. Certains se lavent dans la Seine », glisse Anne-Marie Barthelemy, porte-parole du collectif de défense.
Xavier Péricat : Argenteuil « prend sa part de longue date pour l’hébergement d’urgence, qui est une compétence de l’État à la base »
Selon Xavier Péricat, 1er adjoint au maire, Argenteuil « prend sa part de longue date pour l’hébergement d’urgence, qui est une compétence de l’État à la base ». Mais la Ville, affirme l’élu, n’était « plus en capacité » de gérer le Chu, qui cumulait « beaucoup de difficultés, dont les vendeurs de cigarettes. C’était devenu très compliqué. Les personnes vivaient là depuis des années. Il n’y avait pas de rotation. Le Chu avait perdu sa vocation première. ».
Élise Languin : « La vie est dangereuse dans la rue »
« Les vendeurs de cigarettes au sein du Chu, c’est une fake news », assure Élise Languin.
« Il y avait du personnel municipal mais la Ville était aidée : les repas viennent des surplus des cantines ou d’associations, l’hébergement était remboursé par l’État, qui reversera dorénavant ses 200 000 € au Siao (service d’orientation du 115). Le sous-préfet nous a dit que le préfet ne peut intervenir dans la décision du maire. C’est aussi ce que dit le jugement du tribunal administratif. Quand on a parlé de réquisitionner des locaux vides, comme le service des impôts rue du Général-de-Gaulle, l’ancienne Poste ou la Sécu sur la Dalle, le sous-préfet nous répond qu’il faudrait un réel danger ».
Le danger est « évident » selon Élise Languin. « Deux Sdf sont morts de froid à Argenteuil l’hiver dernier. La vie est dangereuse dans la rue ».
Anne-Marie Barthelemy, porte-parole des sans-abri du Chu : « On ne combat pas la misère en chassant les pauvres. »
« On ne peut pas laisser ainsi à la rue des gens qui sont nés ici, des Argenteuillais, insiste Anne-Marie Barthelemy. On ne combat pas la misère en chassant les pauvres. »
C’est sans doute inédit : la quasi-totalité des groupes d’opposition ont fait leur tribune dans le magazine municipal pour exiger la réouverture du Chu. Mardi 3 octobre (après le bouclage de notre journal), le collectif de défense devait à nouveau manifester devant l’hôtel de ville à l’occasion du conseil municipal.
L’ex-adjoint Philippe Métézeau dénonce « une mesure brutale »
Il a été élu au côté de Georges Mothron pendant vingt-cinq ans. Ancien adjoint au maire délégué à l’action sociale et ancien vice-président du Conseil général en charge de l’action sociale et la santé, Philippe Métézeau (ex-Radical, aujourd’hui proche de Renaissance) s’était fendu d’une tribune en juillet pour dénoncer la décision de fermer le Chu d’Argenteuil, « une mesure brutale et confuse » à ses yeux.
« La première raison donnée est la difficulté de gérer ce centre. Certes, ce n’est pas une chose facile, mais depuis son ouverture par l’équipe Doucet et son extension par l’équipe Mothron, les difficultés ont toujours pu être surmontées, grâce essentiellement au professionnalisme et au dévouement des travailleurs sociaux du Ccas. Y a-t-il eu dégradation du service depuis 3 ans, je ne sais pas, mais cela justifie-t-il une fermeture définitive et brutale des locaux ? À moins que la volonté soit d’accuser de rage le chien que l’on veut noyer ? ».