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15 juin 2021 2 15 /06 /juin /2021 20:05

L’actualisation tous les trois mois de la situation des bénéficiaires et la nouvelle méthode de calcul de l’aide personnalisée au logement, basé sur les douze derniers mois, amènent des variations à la baisse pour certains, qui peuvent perdre beaucoup. D’autres voient toutefois leur allocation grimper en flèche.

Chloé Baret ne touche désormais plus l'APL et elle s'inquiète : «Avec un loyer de 425 euros, sans aides, c’est impossible.» LP/Philippe Lavieille

Le coup est rude, très rude ! « Je suis passée de 347 euros d’APL par mois à zéro du jour au lendemain, raconte Chloé, 21 ans, encore étonnée d’une telle baisse. Ce n’est pas juste. » Comme des millions de bénéficiaires, cette jeune Réunionnaise, qui gagne 1 200 euros par mois, subit de plein fouet la réforme de l’aide personnalisée au logement (APL), votée dans la loi de finances de 2019.

Depuis le 1er janvier et après de multiples reports, le calcul de cette allocation versée à un peu moins de six millions de bénéficiaires est « contemporanéisé ». Un mot barbare qui signifie que le montant de l’allocation est désormais déterminé sur la base des ressources des douze mois précédents, et non plus celles d’il y a deux ans. Surtout, il est réactualisé tous les trimestres. Sur le papier, l’objectif est louable. Coller le plus possible aux revenus récents afin de distribuer les aides aux assurés sociaux dès qu’ils en ont besoin et non plus deux ans plus tard.

Une réforme qui se veut plus juste, mais qui se révèle pour beaucoup très douloureuse. « Pour moi, sans les APL, le confinement se poursuit, résume Chloé. Pas question d’aller au restaurant ou de se faire des petits plaisirs. Avec un loyer de 425 euros, sans aides, c’est impossible. Je me contente de la viande premier prix des supermarchés. »

Une baisse des APL pour 39 % des allocataires, selon une étude

Et pourtant, embauchée en CDI dans un restaurant installé dans le parc d’attractions Euro Disney (Seine-et-Marne), la jeune femme est hébergée dans une résidence pour jeunes actifs aux loyers modérés. « On ne peut pas y rester plus de deux ans. En octobre, je devrai la quitter. J’ai demandé à la CAF de revoir mon allocation, refusé. J’ai fait deux demandes de logements sociaux. Refusées aussi. C’est angoissant ! Je n’imaginais pas commencer dans la vie comme ça. »

Selon une étude récente de l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj), menée sur un échantillon de 4000 personnes logées dans ses résidences, la réforme a engendré plus de perdants que de gagnants. Le nouveau mode de calcul a vu une baisse des APL pour 39 % des allocataires, alors qu’avec l’ancien système seulement 28 % auraient vu leurs aides diminuées. Pire, celles-ci ont baissé en moyenne de 118,4 euros contre 90 euros avec l’ancien système.

Même punition pour les gagnants qui représentent 15 % après la réforme, contre 17 % avant. Seule « petite » satisfaction, ce gain passe de 45 euros en moyenne à 49,4 euros. « La réalité des chiffres montre que c’est très compliqué pour les jeunes. Nous demandons des mécanismes compensatoires », argue Marianne Auffret, directrice de l’Unhaj.

Des tendances confirmées par une autre enquête, celle de l’Union professionnelle du logement adapté (Unafo) qui regroupe 140 000 logements (résidences sociales, foyers de jeunes travailleurs…). Selon cette étude (sur quelques 27 500 foyers), la part d’allocataire des APL dans le parc de logements conventionnés est passée, entre avril 2020 et avril 2021, de 53 à 48 % et le montant moyen de l’aide a diminué de 7 % de 265 euros à 247 euros, avec une baisse qui atteint même 10 % chez les jeunes.

Le montant global versé au 1er trimestre 2021 est le même qu’en 2020

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, affirme que trois catégories de bénéficiaires ont fait l’objet d’une « attention particulière » pour neutraliser l’effet de la réforme : les étudiants, les apprentis et les jeunes en contrat de professionnalisation. Pour les premiers, le montant reste inchangé, qu’ils travaillent ou non. Les deux autres catégories bénéficient d’un « abattement forfaitaire » pour garder le même versement tout au long de l’année, malgré des petites variations de revenus.



Plus précis, des chiffres présentés au conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), chargée de verser cette prestation sociale, et dévoilés par les Échos, indiquent que 26 % des bénéficiaires ont vu leurs prestations augmenter grâce à la réforme tandis que pour 18 % elles ont baissé du fait de la modification du mode de calcul. « Ce ne sont que des données provisoires. Nous serons en mesure de livrer des chiffres consolidés dans le courant du mois de juillet », souligne Emmanuelle Wargon. Selon les estimations, environ 3,7 milliards d’euros d’APL ont été versés au premier trimestre 2021, soit autant que l’année précédente, sur la même période.

Dylan, 26 ans, étudiant en alternance en comptabilité, a vu, lui, son APL exploser en janvier 2021. Ce locataire d’un appartement à 400 euros, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a vu le versement passé de 40 euros à 120 euros ! « Parce que j’ai démissionné de mon poste en restauration rapide début 2020 pour chercher du boulot dans mon domaine, j’ai fait quelques missions d’intérim, travaillé quelques dimanches, mais j’ai moins gagné qu’en 2019 », explique le jeune homme. Désormais « à l’aise » financièrement, il peut mettre un peu d’argent de côté.

« Voir les APL faire les montagnes russes, c’est inquiétant »

Certains connaissent des « effets yoyo », dus, selon toute vraisemblance, à des erreurs dans le traitement du dossier. « Moi, je suis passé de 220 euros d’APL par mois à 63 euros, raconte Bensalem, étudiant en comptabilité et contrôle de gestion. C’est super dur, car, dans le même temps, mon contrat d’alternance s’est subitement terminé en janvier. Je viens de voir que la CAF avait versé 486 euros. Peut-être un rattrapage… Quand vous êtes précaire, voir les APL faire les montagnes russes, c’est inquiétant et même stressant. Je n’ai pas besoin de ça. »

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