Face aux urgences, l’égalité salariale entre hommes et femmes attendra. Une directive sur la transparence des rémunérations devait être présentée par la Commission européenne le 4 novembre, à l’occasion de la Journée de l’égalité salariale. Elle attendra. La commissaire aux Valeurs et à la Transparence, Vera Jourova, ne devrait finalement la présenter à ses pairs que le 15 décembre, selon le nouvel « ordre du jour des prochaines réunions de la Commission », daté du 29 septembre.
« Sous la pression de militants anti-femmes »
La secrétaire générale adjointe de la Confédération européenne des syndicats (CES), Esther Lynch, a rédigé le 30 septembre une lettre à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, pour s’en inquiéter. « Le fait que l’ensemble de l’initiative soit désormais dégradé à la catégorie “TBC” (to be confirmed, “à confirmer” – NDLR) est une source de préoccupation majeure », écrit la syndicaliste, qui relève que dans son discours sur l’état de l’union, la cheffe de l’exécutif européen n’a pas fait mention de l’égalité salariale, et ce alors que « la majorité des emplois sur le front » de la lutte contre le Covid étaient occupés par « des femmes dont le travail est sous-évalué comparé au travail des secteurs où dominent les hommes ».
Pourtant, « Ursula von der Leyen avait suscité l’espoir de vrais changements en promettant de mettre en place des mesures contraignantes en faveur de la transparence salariale au cours des cent premiers jours de son mandat », reconnaît dans une déclaration Esther Lynch, pour qui « cette promesse semble toutefois avoir disparu de l’agenda sous la pression de militants anti-femmes et anti-égalité ».
L’écart ne sera comblé que le siècle prochain
Le besoin d’une initiative législative européenne sur le sujet est criant. Car les chiffres de l’institut européen de statistiques (Eurostat), que rappelle la Confédération européenne des syndicats, sont accablants. Au rythme actuel où se réduisent les inégalités salariales de genre dans l’Union européenne (UE), l’écart ne sera comblé que le siècle prochain, estime la CES dans un communiqué.
Ainsi, en 2010, l’écart des rémunérations était de 15,8 % ; il était descendu en 2018, selon les dernières statistiques sur le sujet, à 14,8 %. Ce nombre ne représente qu’une moyenne. Il y a des « bons élèves », ces pays où le niveau des inégalités est faible et en forte réduction : la Belgique, le Luxembourg, et la Roumanie, pays où « les salaires des femmes et des hommes sont inadmissiblement bas », nuance la CES. La France, elle, est en retard sur ses partenaires. L’écart salarial n’a diminué que d’un petit 0,1 point, passant de 15,6 à 15,5 % entre 2010 et 2018.
13 États sans législation
Pis, dans neuf États de l’Union européenne, les écarts se creusent. Cet accroissement des inégalités est enregistré à Malte et dans deux pays qui ont été particulièrement touchés par la crise de 2008 : l’Irlande et le Portugal. On l’observe également dans cinq pays d’Europe centrale et orientale : Bulgarie, Croatie, Lituanie, Pologne et Slovénie. Dans ce dernier pays, l’inégalité était quasi inexistante en 2010 (0,9 %) et s’est fortement creusée depuis (8,7 %), bien qu’à un niveau inférieur à la moyenne européenne.
Pour faire face à cette évolution, des mesures contraignantes doivent être prises au niveau national comme européen. En mars 2020, la Commission a publié une étude qui montre que 13 (1) des 28 États de l’UE n’ont aucune législation en la matière.