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24 avril 2016 7 24 /04 /avril /2016 17:54


Publié le mercredi 20 avril 2016

Sur les 1.973 communes situées en territoire SRU, seules 690 communes respectent la loi tandis que 1.115 communes ne la respectent pas, selon le bilan 2015 publié par le ministère du Logement. Parmi celles-ci, qui doivent construire des logements sociaux pour rattraper leur retard, environ 220 sont sous le coup d'un arrêté de carence. Qu'en sera-t-il dans quelques années si le projet de loi Egalité et Citoyenneté est voté tel qu'il a été présenté en conseil des ministres du 13 avril ? L'étude d'impact en donne un aperçu.

Selon un bilan de la loi SRU, publié le 13 avril par le ministère du Logement et de l'Habitat durable, 1.115 communes sont en déficit de logement social sur les 1.973 situées en territoire SRU (*) et que seules 690 communes respectent le taux légal de logement social.

Par ailleurs, 143 communes sont exemptées du dispositif : 120 communes pour cause de décroissance démographique du territoire SRU d'appartenance et 23 communes pour cause de constructibilité contrainte de la majeure partie du territoire urbanisé.

Si on entre dans le détail des 1.115 communes qui ne respectent pas leurs obligations légales et doivent construire des logements sociaux pour rattraper leur retard, 422 ont une obligation à 20% et 693 à 25%.

605 communes sont prélevées, à hauteur de 51 millions d'euros

Ces 1.115 communes qui ne respectent pas la loi ne connaissent pas toutes le même sort : 605 sont prélevées, à hauteur de 51 millions d'euros ; mais 131 sont exonérées (126 sont exonérées car bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et disposant de plus de 15% de logements sociaux et 5 sont exonérées car non prélevables) et 379 ne sont pas prélevées du fait de leurs dépenses effectives en faveur du logement social ou en raison de la faiblesse du montant du prélèvement (inférieur à 4.000 euros).

Par ailleurs, environ 220 communes font l'objet d'un constat de carence. Celles-ci ont accueilli plus de 11.000 logements sociaux ces deux dernières années, grâce à 110 préemptions et 21 permis délivrés par les préfets. De plus, "plus de 200 contrats de mixité sociale ont été négociés ou sont en cours", avait rappelé le gouvernement lors du comité interministériel à l'Egalité et à la Citoyenneté du 13 avril 2016. Ce qui signifie qu'il reste des situations de blocage pour près d'une vingtaine de communes carencées qui ne veulent rien savoir (voir ci-contre notre article du 18 avril).

155 communes SRU de moins après la loi ?

Le projet de loi Egalité et Citoyenneté, en voulant dans ses très longs chapitres 29, 30 et 31 mieux répartir l'offre de logement social sur les territoires intercommunaux (voir notre article ci-contre du 14 avril 2016), va mécaniquement faire bouger ces chiffres. Cela apparaîtra de manière marginale à l'échelle macro, mais pour les communes concernées, cela changera tout !

La révision des conditions "territoriales" d'application du dispositif SRU, en se fondant non plus sur le critère démographique mais sur la pression de demandes sociales à l'échelle de l'EPCI, verra ainsi des communes sortir et d'autre entrer dans le dispositif. L'étude d'impact envisage avec moult prudence plusieurs hypothèses. Selon l'une d'elle plutôt médiane, on passerait ainsi de 1.115 communes SRU en 2015 (dont 422 ayant une obligation de 20% et 693 de 25%) à environ 960 (dont 220 ayant une obligation de 20% et 740 de 25%). Soit 155 communes de moins qu'en 2015... mais c'est sans compter sur les regroupements intercommunaux à l'œuvre issus de la loi Notr.

Double effet de la loi Notr

La loi Notr, en modifiant les périmètres intercommunaux, bouleversera la donne en faisant passer le nombre de communautés de 2.061 à 1.249 au 1er janvier 2017. Pour rappel, la loi SRU s'applique aux communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Ile-de-France) comprises dans une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15.000 habitants. Dès lors, avec les fusions d'EPCI qui se préparent, des communes jusque-là membres d'une petite intercommunalité intégreront des EPCI de plus de 50.000 habitants et donc entreront de manière automatique dans le cercle des communes soumises à la loi SRU. Leur nombre est "difficile à évaluer", indique l'étude d'impact qui ne s'y risque pas.

Pour ces communes, la loi Notr avait prévu un dispositif d'exonération de prélèvements SRU durant 3 ans. Le projet de loi Egalité et Citoyenneté étend cette exonération à toutes les communes entrantes, y compris du fait du changement de critère démographique.

Toutes les communes entrantes pourront également solliciter la commission nationale SRU pour obtenir un aménagement leurs obligations triennales et leur permettre de disposer de 3 ans supplémentaires pour les atteindre.

50 EPCI concernés par la suppression de la mutualisation des objectifs de rattrapage

Le projet de loi prévoit également de supprimer la mutualisation des objectifs de rattrapage SRU à l'échelle intercommunale, car il s'avère que les 30 programmes locaux de l'habitat (PLH) qui l'appliquent et les 20 qui envisagent de le faire n'ont pas de très bonnes raisons derrière la tête. Pour la plupart, ce serait "à la seule fin de diminuer les objectifs de rattrapage sans report effectif de ces objectifs sur d'autres communes contributrices, et sans perspectives réelles de respecter à terme les objectifs de la loi", rapporte l'étude d'impact.

Des arrêtés de carence dès qu'il n'y a pas 30% de PLAI

Les PLH vont aussi devoir être plus vertueux au titre des typologies de logements sociaux attendues (soit un minimum de 30% de PLAI et un maximum de 30% de PLS). A l'heure actuelle, l'étude d'impact indique que seul un quart des PLH y parvient. Le projet de loi prévoit que le préfet pourra engager la procédure de carence d'une commune sur le seul motif que cette dernière n'a pas respecté l'objectif minimum de 30% de PLAI et le maximum de 30% de PLS, quand bien même elle aurait atteint ses objectifs quantitatifs de production. Si bien que "les communes déficitaires et carencées devront réorienter une part de leur production PLUS vers des produits PLAI".

Le projet de loi va aussi étendre les obligations de typologie à toutes les communes soumises aux obligations de la loi SRU (et non plus seulement à celles non couvertes par un PLH).

Les 220 communes carencées se verraient retirer leur contingent municipal

Le projet de loi prévoit que le préfet puisse récupérer le contingent municipal de réservations de logements sociaux des communes carencées qui sont à ce jour, rappelons-le, de l'ordre de 220 aujourd'hui. L'étude d'impact calcule qu'en mobilisant totalement les contingents communaux, cela permettrai de reloger, en Ile-de-France, entre 160 et 320 ménages Dalo de plus qu'aujourd'hui (soit +0,7%), et en Paca entre 295 et 590 de plus (soit +7% ce qui pour le coup n'est pas négligeable). 34 préfets de départements seraient concernés, pour reprendre les contingents de ces 220 communes.

Les préfets auraient plus de souplesse pour délivrer les permis de construire

La loi Alur avait bien décidé que le préfet pourrait prévoir, dans l'arrêté de carence, des secteurs dans lesquels il est compétent pour délivrer des autorisations d'utilisation et d'occupation du sol pour des constructions à usage de logement. A ce jour, sur les 220 arrêtés de carence pris par les préfets, 78 prévoient des secteurs dans lesquels le préfet est compétent pour délivrer les permis de construire (PC) ; mais dans les faits, seul un permis a été délivré par un préfet…

Estimant que cet échec serait dû au fait que "le dispositif est lourd à gérer" (le préfet doit alors reprendre l'intégralité de la compétence), le projet de loi entend le rendre "plus efficient" en donnant au préfet la possibilité de ne reprendre l'instruction et la délivrance des PC uniquement sur les opérations de logements.

Par ailleurs, quand le préfet a signé une convention avec un bailleur, le projet de loi entend confier la compétence sur les autorisations d'urbanisme destinées au logement sur tout le territoire de la commune (et plus uniquement sur les secteurs définis dans l'arrêté de carence).

Fini de rigoler avec la contribution obligatoire

Car dans les communes carencées, les préfets peuvent conclure avec les bailleurs sociaux une convention afin de construire ou d'acquérir des logements locatifs sociaux, et cela sans l'accord des communes ; et la loi permet en outre d'impliquer les communes financièrement dans l'opération prévue dans la convention, au travers d'une "contribution obligatoire aux opérations de logements sociaux". Or au bilan 2015, seules trois conventions ont été signées dans les 220 communes carencées !

"La non-mobilisation de ce dispositif s'explique par des modalités de fixation de la contribution communale ne permettant pas une implication significative de la commune et à l'impossibilité pour le préfet de recouvrer la contribution communale en cas de refus de celle-ci". Le projet de loi propose de renforcer ces contributions obligatoires.

La contribution obligatoire passerait de 5.000 à 50.000 euros par logement en Paca

D'une part, il s'agirait de décorréler la contribution communale de l'aide versée à l'Etat (la fixation de la contribution serait renvoyée à un décret). Et d'autre part, d'augmenter les plafonds en Ile-de-France et en Paca. Ils passeraient de 13.000 à 50.000 euros par logement en Ile-de-France, de 5.000 à 50.000 euros en Paca, et de 5.000 à 30.000 euros ailleurs. "La contribution communale pourrait ainsi représenter une part significative dans le plan de financement d'une opération de logement social", espère l'étude d'impact qui prend soin de préciser que "l'impact devrait être nul pour les communes dans la mesure où leurs contributions obligatoires sont déductibles du prélèvement annuel".

Une autre mesure du projet de loi envisage de sécuriser le paiement par la commune de sa contribution obligatoire (en précisant que le préfet pourra émettre un titre de perception sur le budget communal). Au final, sur les 11.700 logements que les 220 communes carencées doivent produire chaque année, le gouvernement envisage dans son étude d'impact que 10 à 15% soient produits via ce dispositif, soit 1.200 à 1.800 logements locatifs sociaux par an.

Une meilleure application du dispositif de carence

La commission nationale SRU, qui s'est réunie seulement six fois depuis sa création (3 fois en 2009, 1 fois en 2011 et 2 fois en 2015), devrait passer à la vitesse supérieure. Le projet de loi la chargerait de "garantir la stricte application du dispositif de carence et l'homogénéité de l'application des critères de mise en carence et des orientations définies nationalement". Et il y a du travail quand on sait les disparités régionales entre les communes déficitaires en logement social et les communes qui ont effectivement fait l'objet d'un arrêté de carence par le préfet. Aucune des 33 communes de Bretagne par exemple, des 6 communes d'Auvergne, ni des 5 communes de Bourgogne qui n'ont pas atteint leur objectif de rattrapage ne sont déclarées "carencées". L'Ile-de-France et Paca, que l'on montre souvent du doigt, sont de ce point de vue pas si mauvaises élèves : 80% des 50 communes franciliennes n'ayant pas atteint leur objectif triennal sont sous le coup d'un arrêté de carence et 81% des 109 communes de Paca, 92% des 12 communes d'Alsace, 89% des 37 communes du Languedoc-Roussillon, mais seulement 59% des 37 communes de Rhône-Alpes et 45% des 11 communes pour le Nord-Pas-de-Calais. Le projet de loi entend "favoriser l'égalité de traitement entre les territoires", ce qui aura indéniablement pour conséquence d'augmenter le nombre de communes carencées.

Plus de 12 millions d'euros supplémentaires rien qu'en jouant sur l'exonération DSU

Le projet de loi Egalité et Citoyenneté prévoit que, pour les communes devant atteindre 25% de logements sociaux en 2025, le taux de logement social qui permet aux communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine d'être exonérées des prélèvements passerait de 15 à 20%.

Sur les 126 communes "DSU" exonérées à ce titre au bilan 2O15, environ 50 avaient un taux de logement social compris entre 15 et 20% et une obligation d'atteindre 25%. Ce sont donc 50 communes de plus qui devraient, si la loi est votée en l'état, verser un prélèvement total estimé approximativement à 12,3 millions d'euros. A comparer aux 51 millions d'euros prélevés aujourd'hui sur 605 communes…

Mobilisation du parc privé

Ce prélèvement pourrait évoluer, à la baisse cette fois-ci, avec la mesure du projet de loi tendant à relever le plafond de dépenses déductibles quand elles correspondent au financement de dispositifs d'intermédiation locative. Une commune qui n'aurait pas atteint ses objectifs en matière de logements sociaux et qui aurait financé une opération de type "Solibail" (ou "Louez Solidaire" à Paris) pourrait déduire de son prélèvement SRU 10.000 euros par logement et par an (contre 5.000 euros aujourd'hui), ce qui correspondrait "au coup réel des opérations".

Aujourd'hui 379 communes ne sont pas prélevées du fait de leurs dépenses effectives en faveur du logement social… cela pourrait donc en faire beaucoup plus à l'avenir. Combien ? L'étude d'impact ne le dit pas. Elle rappelle en revanche combien cette mesure permettrait de "mobiliser le parc privé dans des communes en fort déficit de logement social pour y loger des ménages sous plafond PLAI".

Anru

Le projet de loi propose de ne plus prioriser l'affectation des prélèvements SRU restant au niveau de l'EPCI vers les quartiers Anru "afin de promouvoir la diversification de l'habitat et de mettre fin aux logiques de ségrégation sociale à l'œuvre"… objet de toute la première partie du volet logement du projet de loi.

En 2015, ces prélèvements se sont élevés à 840.000 euros environ… Cela concernerait 34 communes, lesquelles devront désormais flécher la production de logement social en dehors des quartiers de la politique de la ville.

Terrains locatifs familiaux pour gens du voyage qui ne voyagent plus

Une mesure qui ne changerait pas grand-chose, à en croire l'étude d'impact, c'est celle proposant de décompter dans les logements sociaux SRU les places de terrains locatifs familiaux aménagés au profit des gens du voyage en demande d'ancrage territorial.

Selon l'étude d'impact, seules 25 communes disposeraient de tels terrains, pour un total de 372 places (soit 15 places en moyenne par commune), ce qui fait qu'aucune commune n'augmenterait son pourcentage de logement social d'un demi-point et aucune commune en situation de rattrapage n'atteindrait le taux légal de 20 ou 25%.

Les dépenses des communes en faveur de la production de ces terrains locatifs familiaux seraient déductibles du prélèvement annuel. L'objectif étant que "les communes soumises au dispositif SRU développent ce type d'habitat".

Une pression citoyenne ?

Et si la loi ne suffit pas à faire pression sur les communes toujours récalcitrantes à appliquer leur taux légal de logement social, ni sur les préfets pour qu'ils prennent en main les outils mis à leur disposition, la pression pourrait venir des citoyens.

Le ministère du Logement a mis en ligne une série de données sur les 1.115 communes qui n'ont pas atteint leur objectif SRU. Y figurent pour chacune d'entre elles : le taux de logements sociaux à atteindre en 2025, via le rattrapage progressif fixé par période triennale ; le taux de logements sociaux sur la commune (depuis 2002) ; l'état de carence éventuel de la commune ; le montant des pénalités payées par la commune en 2015. Quatre indicateurs qui donneront au niveau local des arguments de poids aux habitants, moins lourds qu'une étude d'impact d'un projet de loi hypertechnique.

Valérie Liquet

(*) Ces 1.973 communes situées en territoire SRU concernent 124 agglomérations et 234 EPCI, regroupant 5.776 communes.

 

(**) Pour parvenir au total de 1.115, il faut en outre ajouter les 25 communes de Guadeloupe, pour lesquelles l'enquête n'a pas été renseignée.

 

Loi SRU : bilan 2015 et perspectives après le vote de la loi Egalité et Citoyenneté
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