Plus de la moitié des communes visées par l’obligation de construction de logements sociaux n’atteignent pas leurs objectifs légaux. C’est le constat, déplorable, que fait la Fondation Abbé-Pierre, dans une étude publiée ce mercredi, portant sur la période 2017- 2019. Alors que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) est entrée en vigueur il y a vingt ans, 53 % des communes françaises, soit 550 villes, ne respectent toujours pas leurs objectifs. Pour rappel, cette loi impose aux communes de plus de 3 500 habitants, et de 1 500 en Île-de-France, de disposer, d’ici à 2025, de 25 % de logements sociaux. Excepté celles qui justifient d’une situation locale particulière.
Comparé à la précédente période, le taux est en légère baisse : il était de 56 % pour 2014-2016. Mais la situation reste encore bien loin des objectifs fixés pour 2025. « Il y a des communes qui ont vraiment bien joué le jeu, mais la loi n’a pas entièrement été respectée. Nous souhaiterions que de nouveaux délais soient mis en place pour les maires qui n’ont pas atteint le taux. Il serait aussi logique qu’il y ait une sanction plus forte pour ceux-ci », précise Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation.
La lutte contre les ghettos, un faux prétexte
En tête des mauvais élèves, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), où 83 % des communes visées par la loi n’ont pas atteint leurs objectifs sur la période. Juste après viennent la Corse (67 %), puis les Pays de la Loire (59 %). « La région Paca est très inégalitaire, les loyers y sont très chers. Le foncier représente beaucoup de richesse », avance Manuel Domergue. « Il y a beaucoup d’inégalités, avec des communes très pauvres. Ce n’est pas le hasard, c’est un choix politique de longue date. La loi est vraiment défiée, notamment sur les villes d’Aix-en-Provence, Nice et Cannes. Beaucoup de maires sont opposés au logement social, ils préfèrent payer l’amende. » Pour justifier leur refus de construire des logements sociaux, certains maires de droite prétextent la lutte contre les ghettos. Le directeur des études de la Fondation estime qu’il y a « des passe-droits accordés aux plus influents, et qu’il faudrait que les préfets tapent un peu plus du poing sur la table ». Christian Estrosi, le maire de Nice, est montré du doigt. « Le préfet n’a pas estimé qu’il faille majorer l’amende, ce qui nous a vraiment étonnés. » La Bourgogne-Franche-Comté est la région avec le plus faible pourcentage de HLM (29 %). « Mais elle est très peu concernée car les logements y sont peu chers », précise Manuel Domergue. En Île-de-France, ils représentent 41 % des logements.
La loi prolongée au-delà de 2025
La Fondation Abbé-Pierre espère beaucoup de la ministre du Logement, qui a tenu une position ferme et peu appréciée face aux maires qui ne respectent pas la loi SRU : « On augmente les amendes dans des villes ou alors on reprend les permis de construire. Pour la première fois, on va sanctionner plus de la moitié des communes qui ne respectent pas cette mesure. Il faut être ferme : les maires ne peuvent pas choisir que les logements sociaux c’est bien, mais pas chez eux », a indiqué Emmanuelle Wargon. Elle a également annoncé vouloir prolonger la loi au-delà de 2025. Autre front sur lequel devra se battre la ministre : la répartition des ménages à bas revenus dans le parc HLM. La loi égalité et citoyenneté, votée début 2017, oblige l’attribution du quart des logements situés dans les quartiers les moins paupérisés aux ménages aux plus bas revenus. « Aujourd’hui, nous sommes à 15 % ; moi, je veux faire appliquer la loi », a rappelé Emmanuelle Wargon. Une ambition à laquelle il faudra donner des moyens.