Un triste décompte réalisé par le Collectif Les morts de la rue qui s’emploie depuis des années à rendre une identité à ces anonymes. Plus de 535 au niveau national.
Rendre une identité, une histoire à ces hommes et ces femmes trop souvent invisibles, anonymes jusque dans la tombe. C'est l'une des tâches difficiles mais importantes que s'est fixé depuis des années le Collectif Les Morts de la rue.
Il y a quelques jours, celui-ci diffusait son terrible faire-part pour l'année 2020 comportant les noms de 535 morts de la rue sur l'ensemble du territoire français. 491 hommes, 44 femmes dont un enfant de moins 5 ans, quatre de moins de 19 ans et une personne de plus de 80 ans.
Le corps d'un SDF retrouvé dans un cabanon à Cormeilles-en-Parisis
Et le Val-d'Oise ne fait pas exception. Selon la liste dressée par le Collectif, au moins cinq personnes sans « chez soi » sont décédées sur la voie publique, dans un abri de fortune ou une structure d'hébergement d'urgence, l'an dernier dans le département. Un recensement départemental et national établi grâce aux informations recueillies dans les médias, auprès des associations, de partenaires institutionnels mais aussi de particuliers. A celui-ci s'ajoute pour 2021, la mort d'un SDF de 62 ans retrouvé vendredi dans un cabanon de jardin à Cormeilles-en-Parisis.
« Mais les chiffres déjà importants ne sont sans doute malheureusement pas exhaustifs, souligne la présidente du Collectif, Bérangère Grisoni. Car en 2012, nous avons pu coupler nos données avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Nous nous sommes alors rendu compte qu'il fallait multiplier notre bilan annuel par six et l'on craint que la réalité soit toujours de cet ordre de là aujourd'hui. Pourtant mourir comme ça anonymement, dans l'indifférence ou presque, ce n'est pas digne et pas concevable dans un pays comme la France ! »
L'espérance de vie dans la rue est de 49 ans
Et pour Les morts de la rue, la baisse du nombre de morts par rapport à 2019, 569, ne signifie pas forcément une bonne nouvelle. « On aimerait croire que cela s'explique parce qu'il y a eu moins de décès. Mais on a peur que ce soit malheureusement parce qu'on ne les a pas », explique la responsable rappelant que l'espérance de vie à la rue est de seulement « 49 ans en moyenne ».
Quid du Covid? « On ne sait pas encore quel a été l'impact. On verra ce que dit l'enquête épidémiologique publiée à l'automne. Mais au-delà du virus, le premier confinement a été particulier difficile pour les personnes à la rue avec encore plus d'isolement, de solitude, de peur de mourir seul car tout était au ralenti voire à l'arrêt. Cependant, l'épidémie beaucoup plus violente qui touche les personnes à la rue dans une indifférence presque totale : c'est que la rue tue et c'est une réalité catastrophique ».
Hommage à Ahmed, Jean-Pierre Hassan, Fatiha et Dominique
C'est pourquoi le Collectif tient s'en relâche à alerter sur cette situation valable partout. Dans le Val-d'Oise l'an dernier, elle a ainsi emporté Ahmed, 49 ans, le 7 janvier 2020 à Enghien-les-Bains. En rupture familiale, cet homme de 49 ans était connu des maraudes de la Croix-Rouge d'Ézanville. Il avait travaillé dans les fruits et légumes mais avait perdu son emploi et séjournait depuis quelque temps sur un chantier au moment de sa mort.
Le 1er avril, Jean-Pierre, 66 ans, s'éteignait à Pontoise dans un hébergement d'urgence au sein d'une communauté religieuse après un parcours de rue et d'errance.
Vingt-trois jours plus tard, une crise cardiaque emportait Hassan, 44 ans, sur un bout de trottoir d'Argenteuil. Un SDF bien connu des habitants du Val Sud qui le voyait souvent près du Auchan, du CCAS de la ville et des associations qui le suivaient.
Le 19 mai, Fatiha succombait aux coups de son compagnon. Après un parcours cahoté, cette femme de 52 ans venait de trouver une place en maison relais deux semaines seulement avant sa mort violente.
Le 13 novembre, un homme de 65 ans à la rue mourrait à Sarcelles. Lors de la rédaction du faire part, le collectif ne connaissait pas son prénom. Mais celui-ci a continué son enquête comme il le fait pour tous et découvert qu'il s'agissait de Dominique, un SDF suivi par les associations locales.
64 décès recensés au 15 février
Et la même triste litanie a déjà commencé pour 2021. La liste nationale du collectif compte déjà 64 noms au 15 février.
À tous et toutes un hommage a été rendu le 30 mars dernier aux Buttes Chaumont à Paris mais celui-ci se poursuit toujours en version numérique avec l'opération « 535 mots pour 535 morts » où chacun est invité à participer. « Nous avons déjà reçu une centaine de courtes vidéos hommages, témoignages, réactions que l'on poste peu à peu en ligne… Mais l'appel est toujours valable car nous souhaitons continuer », invite le Collectif.