Entre pannes, dégâts des eaux ou simple usure, la facturation des dégradations laisserait trop de marge à l’interprétation selon les étudiants. Une résidente en a fait l’amère expérience, avec une note de 1595 euros.
La colère gronde au sein de plusieurs résidences universitaires de Cergy (Val-d'Oise) gérées par le Crous. De nombreux étudiants dénoncent le management et la gestion de la direction locale en place depuis trois ans. Ils sont réunis sur un groupe Facebook comptabilisant plus de 530 membres. « La situation ne date pas d'hier mais là, ça a été la goutte d'eau », explique l'un d'eux. C'est en effet un événement récent qui a décidé plusieurs d'entre eux à réagir.
Fin novembre, une étudiante étrangère en master est contrainte par la crise économique à devoir quitter son logement au sein de la résidence Les Châteaux-Saint Sylvère. S'en suit donc le traditionnel état des lieux de sortie. Avec à la clé une surprise dont ce serait bien passée la jeune femme : une facture de 1595 euros.
Des infiltrations d'eau dans la résidence
Selon les agents du Crous, ce logement qu'elle occupe depuis 10 mois présente alors une « grosse dégradation ». Lui est ainsi présentée la note de la réfection totale des 18 mètres carrés de sol en raison de « coupures et marques » soit 720 euros, de la faïence de la douche ou encore le remplacement du meuble kitchenette (625 euros hors plaque et réfrigérateur) quand le document stipule « dû à infiltration ». Des prix correspondants à la liste des « tarifs des dégradations » du Crous de Versailles.
Mais selon plusieurs témoins, si le logement a pu effectivement connaître des dommages, ces derniers ne seraient pour la grande majorité pas de son fait. Plusieurs infiltrations d'eau dans cette résidence datant de plus de trente ans seraient à l'origine de divers dégâts facturés dans la kitchenette et la salle de bains notamment.
«L'appartement était dans le même état qu'à mon arrivée…»
« Si quelque chose est de notre responsabilité, c'est normal de payer. Mais là, on a vraiment eu l'impression que l'objectif était de trouver absolument des choses qui ne sont pas de sa faute à lui mettre sur le dos », assure un de ses camarades ayant assisté à la scène. « On verse une caution de près de 200 euros à notre arrivée. Pour nombre d'entre nous, c'est une somme très importante, on fait tout pour la récupérer à la sortie », insistent plusieurs résidents.
D'autres résidents racontent également avoir eu de mauvaises surprises. Comme cette habitante des Linandes mauves jusqu'au printemps dernier. Un départ souhaité après divers problèmes rencontrés avec des personnels du Crous de Cergy, assure-t-elle. Lors de son état des lieux de sortie, celle-ci s'est vue déduire de sa caution 43 euros pour un matelas « très dégradé ».
« Je suis restée moins de 6 mois dans l'appartement où je n'étais même pas présente tout le temps et il n'a pas subi d'incident particulier qui aurait pu l'abîmer. Il était dans le même état qu'à mon arrivée… mais malheureusement je n'avais pas pensé à prendre des photos », regrette-t-elle.
Aux Chaînes d'Or, une ancienne résidente raconte qu'elle aussi s'est vue accuser d'être responsable des dégâts en raison d'une inondation. « Celle-ci était due à une intervention de techniciens. S'en est suivie une fuite qui, malgré mes signalements a mis plusieurs semaines à être traitée. Mais on m'a dit que c'était ma faute et menacé de devoir payer. J'ai dû faire des lettres et recours pour que le dossier soit finalement classé. Mais tout le monde ne le fait pas, notamment des étudiants étrangers et ils sont nombreux à Cergy », explique cette jeune femme pourtant habituée des résidences universitaires. « Plus de neuf ans au total et jusqu'à cet incident personne ne s'était jamais plaint de mon comportement », promet-elle.
Plus globalement, des résidents s'alarment sur l'application de « ces tarifs de dégradations » au quotidien. « L'ensemble des interventions réalisées par les techniciens peut être désormais facturé à l'étudiant [NDLR : une situation qui n'est pas propre aux résidences de Cergy] et ici c'est très fréquent. C'est huit euros pour une ampoule changée, 25 euros le néon et ce quelle qu'en soit la raison », expliquent des résidents.
Même principe assurent-ils pour les frigos fournis dans les petits studios. « Qu'il tombe en panne ou qu'il soit dégradé, c'est 130 euros pour le faire changer. Pourtant ça arrive car souvent, ils ne sont pas neufs quand on entre dans l'appartement », poursuivent-ils.
«On considère trop souvent que c'est la faute de l'étudiant»
Et un personnel du Crous de dénoncer aussi l'application qui est faite de ces grilles. « À Cergy, quand il y a un problème on considère trop souvent que c'est la faute de l'étudiant. Pourtant, qu'est-ce qui est de l'usure ou qu'est-ce qui est une dégradation ? Il y a des lits ou des armoires à pharmacie qui ont vingt d'âges dans certaines résidences. Mais c'est laissé à l'interprétation des agents qui font l'état des lieux de sortie. Et si certain ont de l'expérience, d'autres ne sont pas formés. Il faut plus de transparence. »
Une marge d'interprétation notée aussi par l'Unef, représenté au conseil d'administration du Crous de Versailles, dont dépendent 10 000 logements à Cergy, mais aussi à Nanterre (Hauts-de-Seine), Évry (Essonne), des Haut-de-Bièvre (Hauts-de-Seine et Essonne), Paris-Saclay (Essonne) et Versailles-Saint-Quentin (Yvelines).
100 euros pour des clés perdues
« De façon globale, les problèmes rencontrés lors d'état des lieux de sortie ne sont pas quelque chose qui nous remonte beaucoup. En général, cela se borne à une rétention de caution et les étudiants ne se mobilisent pas forcément sur cet aspect ou ne pensent pas à le faire », précise Imane Ouelhadj, membre du bureau national du syndicat étudiant, élue au Crous de Versailles.
Mais sur le coût des interventions au quotidien, le sujet serait traité de façon très différente d'une résidence à une autre. « Dans certaines, c'est très peu mis à exécution, dans d'autres davantage et tout ça en fonction des personnels. Comme le frigo, cela va dépendre si l'agent va le déclarer en panne ou en casse. Mais la question qui nous remonte le plus c'est celle des prix des clés : 100 euros si elles sont perdues, 30 euros le prêt si vous les avez juste oublié que vous les empruntiez 5 minutes ou une journée. On trouve ça vraiment excessif. »
Le Crous rappelle qu'il ne fait pas de bénéfices
Du côté du Crous de l'académie de Versailles, on assure que la facture présentée à cette ancienne résidente de Cergy correspondrait simplement aux dégradations découvertes à son départ. « Son logement avait été refait à neuf avant son arrivée. Les constats ont été vérifiés et sont conformes au PV, assure Alexandre Aumis, directeur général après consultation de ses équipes locales. Mais nous allons faire un geste et revoir sa note à la baisse. »
Pour le responsable, « il n'y a absolument pas de volonté d'accabler qui que ce soit avec des facturations qui ne seraient pas justifiées ». « Je comprends qu'il y ait des difficultés et que certains ne sont pas contents. Mais celles-ci n'ont pour seule vocation que de couvrir le coût des réfections : le Crous ne fait pas de bénéfices. Cela fait un an que l'on fait tout pour aider nos étudiants dans cette période difficile et nous allons continuer ».
Quant à la différence entre casse, usure et panne, des reprécisions seraient à venir : « Sur la définition des dégradations, nous avons prévu une explication sémantique sur ce sujet-là pour qu'il n'y ait pas d'interprétation possible d'un côté comme de l'autre. » Et Alexandre Aumis d'ajouter : « Nous avons reçu des étudiants jeudi. Ils ont demandé notamment un meilleur dialogue avec la direction, le message a été passé. »