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31 décembre 2020 4 31 /12 /décembre /2020 17:29

Il n’y en aura que 21 000 de construits en 2020, soit 40% de moins qu’en 2016, alors qu’il en faudrait 37 000 chaque année. Face à cette situation «dramatique», l’union des bailleurs sociaux réclame un plan d’urgence

 

 Alors qu’il y a 750 000 demandeurs de logements sociaux en attente en Ile-de-France, de moins de moins de chantiers sont lancés.  Alors qu’il y a 750 000 demandeurs de logements sociaux en attente en Ile-de-France, de moins de moins de chantiers sont lancés.  LP/Adeline Daboval

Les ménages les plus modestes pourront-ils encore se loger en Ile-de-France dans les années qui viennent? La question se pose tant les projets de construction sont en baisse constante depuis cinq ans. L'Aorif, l'association des bailleurs sociaux d'Ile-de-France, tire le signal d'alarme et essaie d'attirer l'attention de l'Etat et des communes sur cette situation.

Jamais, en Ile-de-France, depuis cinq ans, le nombre d'agréments délivré par l'Etat pour conventionner des logements sociaux, n'a été aussi bas qu'en 2020. Il s'établit à 21 000. Il était de 36 000 en 2016, 30 000 en 2017, 28 800 en 2018 et 28 600 en 2019. Or, selon le schéma régional de l'habitat, il en faudrait 37 000 par an.

Alerte à la pénurie de logements sociaux en Ile-de-France

« Et pendant ce temps, le besoin de logement social augmente, avec près de 750 000 demandes actives, s'inquiète Jean-Luc Vidon, président de l'Aorif. La pénurie de logement a de multiples conséquences : elle aggrave les difficultés des Franciliens les plus modestes, elle pénalise les entreprises, elle nuit à l'attractivité de notre région, elle aura des incidences sur notre capacité à mener à bien la rénovation urbaine. »

Le foncier est devenu trop cher pour les bailleurs

Comment en est-on arrivé là? La crise sanitaire et le premier confinement, en particulier, ont largement contribué à ralentir les projets. Autre raison : les élections municipales. Traditionnellement, un an avant l'échéance, les maires répugnent à accorder des permis de construire pour des logements sociaux, argument peu vendeur électoralement parlant. Et pour enfoncer le clou, le second tour a été décalé au mois de juin, repoussant d'autant les projets.

Dernier point, et non des moindres : le prix du foncier. Il ne cesse de grimper en région parisienne, surtout sur Paris et la petite couronne. Résultat : les bailleurs ne peuvent investir. La loi SRU imposant 30% de logements sociaux, ce sont finalement des promoteurs privés qui s'en chargent.

« Les mairies font souvent appel à des aménageurs pour s'occuper de tout un quartier, détaille Jean-Luc Vidon. Ils gèrent donc aussi les logements HLM. Cela pose deux problèmes : d'une part nous sommes exclus du projet alors que c'est notre métier et d'autre part, les promoteurs mettent l'ensemble des bailleurs en concurrence pour s'occuper de ces logements, ce qui fait monter les prix. »

La Métropole du Grand Paris veut impliquer les maires

Le constat est sévère. Volontairement. Car l'Aorif tient à faire bouger les lignes en demandant à tous les acteurs de se mobiliser. « C'est pourquoi, il nous faut l'aide des communes mais malheureusement, on ne sent pas vraiment de dynamique sur la question, regrette le président de l'Aorif. Pourtant la situation est si dramatique qu'il faudrait mettre en place un plan d'urgence. »

Et c'est bien là le challenge de constructeurs comme Grand Paris Habitat (GPH). « Notre défi, aujourd'hui, est d'expliquer que la densification peut être faite de manière intelligente, insiste Thierry Bertier, président du directoire. Cela n'a plus rien à voir avec ce qui était fait il y a dix ans car on sait construire autrement. Et tout ce dynamisme amène aussi de nouveaux commerces et de nouveaux services. »

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La Métropole du Grand Paris (MGP) est aussi consciente de l'urgence de la situation. Elle est d'ailleurs en train d'élaborer son plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement (PMHH). « Il s'agit de demander aux maires des 131 communes de la MGP ce qu'ils peuvent construire, décrypte Denis Cahenzli, vice président délégué à la stratégie métropolitaine de l'habitat. Notre objectif est de rééquilibrer la production de logements sociaux sur le territoire. Nous mettrons également en place un observatoire afin de mesurer l'avancement des chantiers. » Reste que ce projet repose entièrement sur la bonne volonté des élus.

La Fondation Abbé Pierre s'en prend à l'Etat

De son côté, la Fondation Abbé Pierre pointe la responsabilité de l'Etat. « Les budgets alloués aux logements sociaux ont été drastiquement baissés depuis 2017, s'insurge Christophe Robert, délégué général. Pire. Dans le plan de relance, rien n'est prévu sur cette thématique. »

Et selon lui, cette situation va avoir d'importantes répercussions. « Cette absence de vision risque d'impacter fortement l'activité économique de la région et le développement territorial », martèle-t-il.

Des reproches réfutés par le cabinet de la ministre du Logement, Emmanuel Wargon, qui préfère évoquer « des modalités d'équilibre du financement qui ont été modifiées mais en aucun cas il ne s'agit de désengagement de l'Etat », insistant même sur une enveloppe de « 500 millions d'euros dans le cadre du plan relance, dédié à la réhabilitation des logements sociaux ». Par ailleurs, la ministre souhaite prolonger la loi SRU au-delà de 2025.

LA DOUBLE PEINE DU MAIRE DE SAINT-MAUR

Sylvain Berrios (LR) ne comprend les sanctions, estimant avoir montré sa bonne volonté en matière de construction de logements sociaux. LP/A.V.
Sylvain Berrios (LR) ne comprend les sanctions, estimant avoir montré sa bonne volonté en matière de construction de logements sociaux. LP/A.V.  

Sylvain Berrios, le maire (LR) de Saint-Maur (Val-de-Marne) est en colère. La ministre du Logement, Emmanuel Wargon, l'a accusé, sur RTL, de « ne pas vouloir construire de logements sociaux » et a décidé de le sanctionner en affirmant que « l'Etat allait reprendre les permis de construire ». Sans compter une amende salée de 6,4 millions d'euros… que la ville paie depuis plusieurs années.

Ces sanctions, l'édile ne les comprend pas. « On me dit que je ne construis pas assez et pas assez vite mais entre 2017 et 2020, j'ai permis la réalisation 970 logements sur 2890, se défend-il. Soit 30%, au-dessus de la loi SRU qui en exige 25% ».

«Il faut travailler avec les maires, pas leur taper dessus»

Pourtant, il le sait, avec ses 8,8% de logements HLM, il est loin de ce qui est imposé par la loi. Mais il affirme faire le maximum. « Je ne peux pas rattraper en quelques années ce que mes prédécesseurs n'ont jamais fait, tempête-t-il. Si je devais atteindre les 25%, il faudrait réaliser 9000 logements, ce qui représente un quart de ma ville, soit environ 27 000 personnes. Alors on fait quoi, sachant qu'il n'y a plus de foncier disponible et que les deux tiers du territoire sont en zone inondable? On exproprie tout le monde? »

Sylvain Berrios affirme comprendre l'urgence de la situation et va même jusqu'à faire des propositions. « Il faut que l'Etat accélère le traitement, par les tribunaux administratifs, de recours contre les projets de logements sociaux et il faut aussi aider les plus démunis en revalorisant les aides type APL, insiste-t-il. De manière générale, il faut travailler avec les maires, pas leur taper dessus. » L'élu promet d'atteindre 12% en 2022.

De son côté, le ministère n'est pas convaincu. « Pour rattraper les carences, il a été prévu un calendrier de réalisation, rappelle-t-on au cabinet. Or, entre 2017 et 2019, la ville n'a réalisé que 28% de ses objectifs. Cela prouve l'absence manifeste de volonté politique et ce, malgré les précédentes sanctions. »

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