Bezons, mercredi 25 novembre. François 49 ans, travaille depuis 27 ans dans cette usine. Propriété du Joint Français, puis de Hutchinson, elle avait été rachetée par l’américain PPG en 2015. LP/Thibault Chaffotte
« C'est du dégoût. On s'est fait rouler dans la farine », estime François, 49 ans, à propos de la suppression prochaine du site PPG Sealants Europe à Bezons (Val-d'Oise). Comme une soixantaine de salariés, il était présent ce mercredi à la manifestation organisée par les syndicats devant l'entreprise. Elle fait suite à l'annonce par la direction de l'entreprise en comité social et économique (CSE) d'un plan de cessation d'activité avec une fermeture en 2021 de cette usine de mastics pour l'automobile et l'aéronautique.
«Ils nous ont promis monts et merveilles»
François garde en souvenir le jour d'octobre 2015 où cette usine vieille d'un siècle a été rachetée par le géant américain de l'industrie chimique PPG. Elle était jusqu'alors sous le pavillon de Hutchinson et avant cela sous celui du Joint français. « Ils nous ont promis monts et merveilles il y a cinq ans, se souvient-il. Ils venaient pour pérenniser des emplois. Il y a eu des promesses d'embauches. On les a reçus avec des petits fours sous les applaudissements et là ils vont nous renvoyer comme des malpropres. »
Sur les 208 salariés que compte l'entreprise, la direction a annoncé pour l'instant 15 reclassements. « Il y a de fortes chances que la priorité soit donnée aux cadres », estime-t-il. Ils représentent 25 personnes sur les effectifs. François est agent de maîtrise. « Je suis aux expéditions. Je suis responsable du chargement et déchargement des camions », indique-t-il. Il fait ça depuis quatre ans. « J'ai été vingt-trois ans en production, en tant que chef d'équipe. J'étais responsable de dix gars sur deux ateliers pour faire du mastic pour double vitrage », ajoute-t-il.
« C'est du stress, de l'angoisse. Ce n'est pas un ou deux collègues, c'est 208 collègues qui peuvent se retrouver sur le carreau », souligne-t-il. La peur du chômage est partagée par tous. « Il faut savoir que la moyenne d'âge sur notre site est de 46 ans. Avec le Covid-19, la crise, ça va être compliqué », redoute-t-il. Ses enfants - un fils de 25 ans et une fille de 22 ans - sont grands, il a fini de rembourser sa maison, mais d'autres ont encore des crédits à payer. Les agents de maîtrise comme lui gagnent entre 1 800 et 2 500 €. « Les ouvriers entre 1 600 et 1 800 €, je pense » ajoute-t-il.
«Notre bénéfice était de 10 millions d'euros l'année dernière»
Pour justifier cette fermeture, la direction indiquait « être confrontée depuis plusieurs années à une surcapacité de [ses] outils de production ». La crise économique aurait aggravé la situation, en particulier en ce qui concerne le secteur aéronautique durent touché par les mesures de restriction liées à l'épidémie.
« La direction aux Etats-Unis a annoncé qu'on était l'entreprise la moins rentable du groupe, alors que notre bénéfice était de 10 millions d'euros l'année dernière, indique-t-il. Ils nous ont pris toutes nos formules qu'on fabriquait depuis cinquante ans voire plus et maintenant ils vont les produire en Allemagne, en Angleterre et en Espagne. »
« Bezons est confronté depuis 2017 à des problèmes de mise au point de produits, justifiait récemment François Rambié, porte-parole de la direction sur le projet de cessation d'activité. Cela a provoqué des déréférencements de produits par les acheteurs qui allaient se fournir dans d'autres usines PPG. Entre 2017 et 2019, l'usine a perdu 50 % de ses volumes produits. »
Les difficultés ne datent pas d'hier. « On savait qu'on allait mal mais on ne pensait pas qu'on en arriverait là », rétorque François. Les syndicats entendent contester la décision de l'entreprise. Lors de la manifestation, l'avocat spécialiste des conflits sociaux Fiodor Rilov s'est longuement adressé aux salariés pour leur proposer de monter une action en justice. Ce n'est qu'un début.