On aurait pu penser qu’avec la première vague du Covid qui a déferlé au printemps, les autorités sanitaires, les Agences régionales de santé (ARS), les directions des hôpitaux auraient remis en question la politique de suppression de lits d’hôpitaux qui prime depuis des années. Il n’en est rien. Au moins treize hôpitaux vont continuer de perdre des places d’hospitalisation.
En septembre 2020, la direction du CHU de Besançon a annoncé la suppression d’un service entier de soins de suite et de réadaptation, soit 28 places d’hospitalisation en moins [1]. À l’hôpital psychiatrique du Rouvray, près de Rouen, il a été annoncé début octobre qu’au moins 80 lits seraient supprimés d’ici à 2022 « soit 20 % de la capacité d’hospitalisation », relève l’Union syndicale de la psychiatrie. C’est là, au Rouvray, que des soignants avaient fait une grève de la faim de deux semaines en 2018 pour demander des moyens afin de prendre en charge les patients. Ils avaient obtenu la promesse de créations de postes et de deux nouvelles unités. Ces engagements n’ont pas été tenus (lire notre article).
À l’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon, 75 places d’hospitalisation auront fermé en 2020 d’ici fin décembre, nous indique la CGT de l’hôpital. Pendant la première vague du Covid, trois unités hospitalisation pour adulte avaient été fermées, officiellement pour libérer du personnel, certains services en manquaient à cause de l’épidémie. Cela devait être à l’origine être provisoire. Mais il est déjà clair que l’une de ces unités ne rouvrira jamais. Une autre doit rouvrir en décembre, la troisième est en suspens. En plus du Covid, le Vinatier fait les frais d’un plan d’économies décidé en 2018. Celui-ci prévoit la fermeture des unités d’hospitalisation de longue durée. 75 fermetures de lits sont planifiées dans ce cadre, dont 25 dès décembre. Les patients qui vivaient dans cette unité doivent partir dans des foyers médico-sociaux ou en Ehpad, si des places sont disponibles.
Au CHU de Clemont-Ferrand aussi, les fermetures de lits opérées pour répondre à la première vague du Covid font craindre aux soignants des suppressions à plus long terme. Au printemps, « des chambres du service de cardiologie ont été transformées en chambres pour les malades du Covid, des chambres de deux lits sont devenues alors des chambres d’un seul lit. Nous ne sommes pas encore repassés à deux lits. Nous avons aussi perdu des lits dans le service d’endocrinologie, 28 lits d’hospitalisation complète ont été transformés en hospitalisation de jour », témoigne un aide-soignant du CHU et délégué CGT.
Cliquer sur une étiquette pour lire les détails. Les données récoltées se basent essentiellement sur des informations publiées dans la presse, nationale et locale. Les sources précises sont indiquées dans les notes en bas d’article.
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Soutenez l’indépendance de Basta! en faisant un don.Au CHU de Nancy, comme Basta ! vous le racontait en avril, le Covid n’a pas non plus remis en cause le plan de suppression de 174 lits d’ici à 2024. Au CHU de Nantes, ce sont environ 100 lits qui ont été fermés depuis le début de la crise sanitaire, a comptabilisé Mediapart. En mai, des parlementaires alsaciens alertaient aussi sur un projet de leur agence régionale de santé de supprimer 20 lits de réanimation, surtout à Strasbourg, alors même que la région Grand Est sortait d’une phase très dure de Covid… [2] Partout, depuis des années, les hôpitaux français suppriment des places d’hospitalisations. Cette tendance se poursuit depuis mars 2020 comme en atteste la carte que nous publions ci-dessous.
3400 lits avaient déjà été supprimés en 2019, 4000 en 2018. Entre 2003 et 2017, plus de 69 000 places d’hospitalisation à temps complet ont disparu [3]. Ces dernières années, ces suppressions de lits passent par des décisions du Copermo, pour « Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins », une instance interministérielle créée en 2012 [4]. C’est le Copermo qui a décidé de supprimer 174 lits et des centaines de postes au CHU de Nancy. C’est aussi le Copermo qui veut transformer le CHU de Reims, en y supprimant des lits : 184 lits en moins d’ici à 2027, selon les chiffres annoncé par le maire (LR) de Reims, 210 lits selon la CGT de l’hôpital.
Le résultat en tout cas est clair : la capacité d’accueil des patients sera réduite [5]. Au CHU de Tours, le plan Copermo en cours avant la crise du Covid prévoit de fermer 350 lits [6].
« Je n’en peux plus d’expliquer aux malades qu’il n’y a plus de lits disponibles » : l’hôpital au bord de la rupture |
À Caen, c’est le projet de reconstruction de l’hôpital qui aboutira à supprimer 200 lits à l’horizon 2026 [7]. À Limoges, un projet de transformation du CHU adopté en 2018 devrait avoir pour conséquence la fermeture d’une centaine de lits [8]. À Nice, un « contrat de retour à l’équilibre financier » proposé par la direction du CHU en 2017 prévoit la disparition d’environ 200 lits [9].
Même chose à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille où le projet de 2019 qui vise à fermer 230 lits est basé sur des considérations strictement financières : il s’agit de sortir les comptes du rouge [10]. Début octobre, en pleine deuxième vague du Covid, la chambre régionale des comptes d’Occitanie a publié un rapport préconisant, là encore, des suppressions de lits au CHU de Toulouse [11].
En région parisienne, les regroupements en cours de sites hospitaliers auront aussi pour conséquence de réduire les capacités d’hospitalisation. Les hôpitaux de Longjumeau, Juvisy et Orsay doivent par exemple fermer pour en ouvrir un nouveau à Saclay (notre reportage). Résultat : des centaines de lits en moins [12]. À Paris, ce sont les hôpitaux Bichat et Beaujon qui doivent disparaître au profit d’un nouvel hôpital à Saint-Ouen. Le nouveau site devrait abriter un quart de lits d’hospitalisation en moins que ceux qu’il est censé remplacer [13]. À Poitiers, la fusion prévue pour 2021 du CHU avec un groupement hospitalier « Nord Vienne » fait également craindre une diminution des places d’hospitalisation [14].
En mai, le ministre de la Santé Olivier Véran affirmait qu’il fallait « sortir du dogme de la fermeture des lits ». Cela fait cinq mois et rien n’a été fait en ce sens. La deuxième vague changera-t-elle la donne ? Les ARS, le gouvernement, les directions d’hôpitaux, écouteront-elles enfin ce que disent les soignants depuis plusieurs années : il faut arrêter de s’attaquer aux hôpitaux, on en a besoin pour soigner.
Rachel Knaebel
Cette carte, nourrie des informations publiées ces derniers mois et années dans la presse locale et nationale sur les suppressions de lits dans les hôpitaux, n’est évidemment pas exhaustive. Nous la compléterons en fonction des données qui nous parviendront à la suite de cette publication. Pour nous informer à ce sujet, vous pouvez nous écrire à basta@bastamag.net Ou via ce formulaire : [https://framaforms.org/suppression-de-lits-dans-les-hopitaux-publics-francais-aidez-basta-a-les-recenser-1603889009] |