Un sondage Ugict-CGT/Viavoice témoigne d’une défiance par rapport au gouvernement et d’un mécontentement salarial global chez les techniciens et professions intermédiaires, particulièrement accentué dans la fonction publique.
Non, les mesures gouvernementales ne vont pas améliorer leur pouvoir d’achat ! C’est la conviction de 83 % des professions intermédiaires interrogées en février par Viavoice pour la CGT des ingénieur•e•s, cadres et technicien•ne•s (Ugict-CGT), en partenariat avec le cabinet d’expertise Secafi. Colère salariale, sentiment fort de déclassement, manque de reconnaissance, intensification et dégradation du travail, éthique professionnelle attaquée, management agressif… Le constat est rude. Mais le plus surprenant correspond aux chiffres émanant de la fonction publique. Quand 67 % des technicien•ne•s et professions intermédiaires considèrent leur rémunération en décalage avec leur implication dans le métier, cette part monte à 79 % chez les fonctionnaires de catégorie B.
« Entre les catégories A et C, la B est coincée dans la grille et sous pression », confirme Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. « Les agents rencontrent des difficultés dans le cadre de l’évolution de la grille, confirme Luc Farré, de l’Unsa, mais, objectivement, c’est la rémunération de tous les agents qui est faible au regard des responsabilités croissantes demandées. » Vendredi, lors de la dernière discussion avec les syndicats au conseil commun de la fonction publique avant la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de « transformation » du secteur, Luc Farré avait justement demandé « une revalorisation des revenus de tous les agents de la fonction publique à hauteur a minima de l’inflation, pour ne pas perdre en pouvoir d’achat et préserver de l’attractivité pour le secteur ». Le refus a été clair. Sans nuance. « Aujourd’hui, le gouvernement se félicite des 2 millions de salariés qui ont reçu la prime exceptionnelle versée par leur entreprise, alors que l’État employeur n’a rien donné pour la fonction publique », ironise encore le secrétaire général de l’Unsa fonction publique.
Le manque de reconnaissance n’échappe pas à cette même règle, avec plus d’une personne sur deux désenchantée. Dans le secteur privé, 41,3 % des salariés s’estiment reconnus professionnellement, contre 24,1 % seulement des agents dans le public. Les problèmes liés à l’éthique sont également soulevés : dans 68 % des cas, pratiques réelles et déontologie s’opposent. « Conjugué à l’exposition à d’autres facteurs défavorables à l’exercice normal de sa profession, comme la surcharge de travail, le manque de reconnaissance ou de soutien peut conduire à la perte de repères et à l’épuisement professionnel », souligne l’Ugict-CGT. Pour prévenir les risques, 54,7 % veulent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités, pour leur permettre de refuser des actes contraires à leur éthique. La proportion grimpe à 60,3 % chez les fonctionnaires, inquiets de voir par ailleurs leurs instances représentatives fusionner dans le projet de la nouvelle loi.
Des pratiques managériales qui empêchent de travailler
Enfin, public comme privé dénoncent un management délétère qui « empêche de bien travailler ». 44 % des salariés des professions intermédiaires lui imputent la responsabilité de contrarier l’exécution d’un travail de qualité. 41 % considèrent que le management se détériore et 67 % estiment l’évaluation individuelle discréditée. Côté fonction publique, le tableau est toujours plus noir : 50 % des agents de catégories B sont empêchés, et 63 % notent la dégradation des pratiques managériales. « On court toujours après le temps, analyse Gaëlle Martinez, de Solidaires fonction publique. L’agent doit de plus en plus rendre compte, dans une insatisfaction globale et avec une perte de sens du travail effectué. » Et l’inclination du gouvernement à lorgner le privé pour inspirer ces réformes ne rassure pas les organisations syndicales. « Le management, c’est la solution à tout, ironise Bernadette Groison. Il y a un problème ? On répond management ! On l’introduit dans le public sans se préoccuper de sa culture professionnelle, ni des objectifs du service public qui ne sont pas ceux du privé. Le gouvernement fait fausse route. Il faut réfléchir à un pilotage moins vertical, moins injonctif. » Mais le gouvernement n’a pas l’air de vouloir dévier de son chemin. Malgré sondages et concertations affichées, il garde son cap et présentera son projet de loi en Conseil des ministres, mercredi prochain.