« Solidaire pour vivre ensemble dans la tranquillité ». Cette banderole trônait, ce vendredi matin, sur un des murs de la cité Champagne à Argenteuil. En dessous, près de 70 manifestants : des représentants d’Ab-Habitat (Ab-H), dont le président Dominique Lesparre et maire (PCF) de Bezons, Georges Mothron, maire (LR) d’Argenteuil et Philippe Doucet, député (PS). Tous étaient là, à l’appel de la CGT, après l’agression d’un gardien et d’une locataire. Ils dénoncent « le climat de violence qui règne » à Champagne .
L’initiative ne fait pourtant pas l’unanimité. Sous les halls de l’immeuble de 380 logements, des locataires arrivent petit à petit. Des jeunes, des seniors. « Je vis ici depuis 17 ans, insiste Solange, une mère. Je n’ai jamais eu de problèmes. Vous venez faire une manifestation, vous stigmatisez nos jeunes. Alors qu’ici, il y en a qui travaillent, qui font des études, qui veulent devenir quelqu’un, martèle-t-elle. J’ai l’impression que vous voulez les rabaisser. » La CGT insiste : « nous ne parlons pas de ceux-là, mais de ceux qui commettent des infractions. » « Mais qui habite ici parmi vous tous ? Qui sait comment nous vivons ? », interpelle vivement un trentenaire, de l’association ACJ (Association Champagne jeunesse). Les manifestants font le tour de l’immeuble dans le cadre de la mobilisation. Une façon d’occuper l’espace public.
Tous les locataires ne se joignent pas à ce mouvement. Entre eux, une discussion s’engage et se poursuit après le départ des manifestants. Ils se sentent mis à l’écart. « Oui, il y a des personnes qui taguent, oui il y a des départs de feux, des dégradations et du bruit. Mais ce n’est pas nous. On n’est pas d’accord avec ça ! », insiste un autre membre d’ACJ. Une mère aimerait qu’un dialogue s’instaure. « Aucun élu n’est venu discuter avec nous, regrette la trentenaire qui vit à Champagne depuis 15 ans. Pour que les choses s’arrangent, il est impératif que tout le monde s’installe à la même table. Au lieu de cela, on est oubliés, délaissés. Il n’y a rien pour les jeunes, regardez autour de vous », souffle-t-elle. Au pied de la barre de 13 étages, les rideaux des commerces sont baissés, comme tous les jours. « On s’organise », insiste un jeune d’ACF de 18 ans.
Créée en mars 2014, cette structure veut être un relais pour la jeunesse. « Pendant l’année scolaire, nous organisons de l’aide aux devoirs, l’été nous faisons des barbecues pour les petits qui ne partent pas en vacances… On ne touche aucune subvention, on n’a même pas de local », indique un responsable. Une piscine gonflable est également installée. « Si ACJ ne faisait pas ces activités, il n’y aurait rien à Champagne, réagit une jeune femme. La fête de notre quartier a été annulée, comme le feu d’artifice, Argenteuil plage… » « On paie l’austérité », souffle une mère. « On est des grands frères, ouverts à la discussion », insiste ACJ, qui compte 350 adhérents.
« On veut que la vérité soit dite, indiquent les jeunes. Leur cité, ils l’aiment. Arrêtez de nous stigmatiser ».