La cité Champagne d’Argenteuil est sous pression. Violences, insultes, dégradations…, jamais la situation n’avait atteint un tel stade. « C’est tendu », concède Philippe Rêve, directeur général de l’office HLM Ab-Habitat (Ab-H). « Nous ne sommes pas dans une zone de non-droit, mais presque », réagit un salarié. Une manifestation est organisée ce vendredi à 11 heures, au pied de la barre d’immeuble de 380 logements, à l’appel de la CGT. « Nous sommes très très inquiets », insiste le syndicat. Pour tous, il y a urgence à agir.
Les quatre gardiens qui vivent dans cet édifice de treize étages, construit en forme d’arc, ont exercé leur droit de retrait, comme un appel à l’aide. Les élus CGT ont quant à eux enclenché celui d’alerte. Et ce, après une série d’agressions contre notamment le personnel du bailleur.
Chaque soir, une trentaine de jeunes de 16 à 30 ans squattent les lieux. Le phénomène n’est pas nouveau, mais ce qui inquiète, c’est leur attitude devenue très violente. Pour la CGT, ce sont des « délinquants qui sont dans une logique de marquage de territoire ». Ce dimanche, vers 17 heures, Christian, gardien, s’est fait agresser alors qu’il fermait les locaux à poubelles. « Des jeunes m’ont insulté, menacé. L’un d’eux m’a attrapé le col… » Les coups de pression ont continué dans la nuit de lundi à mardi. « Ils ont frappé chez moi à trois reprises. Le matin, j’ai retrouvé des excréments sur ma porte et sur la sonnette, souffle-t-il, toujours d’une voix posée. Trop, c’est trop.Je ne le supporte plus. »
Philippe Rêve a lui-même été menacé, tout comme l’adjoint Brahim Terki, directeur délégué à la tranquillité publique et aux affaires juridiques, quand ils se sont rendus sur place pour soutenir les employés. Youssef, responsable gardien a aussi été pris à parti. Il était à Champagne, ce lundi, pour installer une porte anti-squat dans le hall numéro deux. « Les jeunes avaient mis deux piscines sur le toit. Il y avait mise en danger de la vie d’autrui. » Au total, quatre plaintes ont été déposées par le personnel d’Ab-H. En plus de ces incidents, des feux de poubelles et des tirs de mortiers ont été constatés. Tous craignent qu’un drame ne survienne.
Et les locataires ne sont pas épargnés. Dans la nuit de samedi à dimanche, une habitante a été rouée de coups. « Il y avait une bande de jeunes sous la voûte. Ils faisaient du bruit, de la moto… Je n’en pouvais plus, je leur ai demandé d’arrêter. L’un d’eux n’a pas apprécié. Il m’a mis des coups de poing, de pied, m’a arraché les cheveux… », détaille-t-elle. Depuis, elle a déposé plainte et ne sort plus après 16 heures.
La plupart des résidents préfèrent rester discrets. Personne ne voit rien, n’entend rien, par peur des représailles. Ce jeudi, la direction d’Ab-H a décidé de saisir par courrier le préfet Yannick Blanc, le procureur Yves Jannier mais aussi le maire (LR) d’Argenteuil, Georges Mothron. « C’est un problème que nous devons résoudre tous ensemble, insiste Philippe Rêve. Nous souhaitons que tout le monde se réunisse la semaine prochaine, sans oublier le commissaire. » La Ville compte elle aussi interpeller le procureur dès ce jeudi, « pour que des actions soient mises en place ».
La cité Champagne d’Argenteuil connaît une situation difficile sur le plan de la sécurité. Pour faire face, la police y poursuit ses rondes, comme dans tous les quartiers de la ville. Selon une source proche du dossier, « ce sont quelques individus extérieurs qui perturbent la quiétude » du quartier. Ces jeunes squatteurs sont identifiés. Certains vivent dans les pavillons autour de l’immeuble géré par le bailleur Ab-Habitat (Ab-H). Une interpellation a d’ailleurs eu lieu. Elle a abouti à un «rappel à la loi», peste la CGT d’Ab-H. « Autant délivrer une autorisation expresse à poursuivre leurs activités de délinquance », souffle le syndicat.
La présence des médiateurs urbains est également évoquée. « On ne les voit pas beaucoup », indique Ab-H. « Ils viennent mais les jeunes à l’origine des troubles ne sont pas de la ville », réagit-on au cabinet du maire (LR) Georges Mothron. « Ce n’est pas de la médiation qu’il faut, mais des moyens conséquents sur une longue durée », insistent plusieurs personnes.