3 janvier 2012
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Le Parisien du 03/12/2012
Les bailleurs ne veulent pas armer les gardiens
Un décret paru le 1er janvier autorise désormais à armer les gardiens d’immeubles de matraques et de bombes lacrymogènes. Mais dans le Val-d’Oise, la mesure ne séduit pas.
Maîram Guissé et Ilham Hajji-Fiacre | Publié le 03.01.2012, 04h37
Va-t-on voir bientôt les gardiens d’immeubles armés? Depuis le 1er janvier, c’est possible. Un décret du ministère de l’Intérieur, publié au « Journal officiel », autorise les agents à se munir de tonfas, une matraque considérée comme une arme de 6e catégorie, et de bombes lacrymogènes. « Les bailleurs sociaux pourront en faire la demande auprès de la préfecture, dans la mesure où ils constituent un groupement d’intérêt économique (GIE), dont la mission est d’assurer la sécurité des locataires », précise Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur.
On n’en est visiblement pas encore là dans le Val-d’Oise. Les bailleurs contactés ne voient pas en effet ce texte d’un très bon œil. A l’office HLM d’Argenteuil-Bezons (ABH), qui compte 90 gardiens, on n’envisage pas de mettre en place cette mesure, malgré les tensions qui peuvent régner dans certaines cités. « Nos agents ont un rôle de prévention, ils ont un lien social avec les habitants et ne sont pas là pour remplacer la police de proximité : chacun son rôle! » insiste la direction. Une position partagée par la CGT qui crie carrément au scandale : « C’est vrai que les gardiens sont de plus en plus confrontés à des problèmes, des troubles, mais le port d’arme ne permettra pas de lutter correctement contre l’insécurité », souligne Cécile Sellier, une représentante du syndicat.
Dans l’est du département, ce décret est également accueilli avec stupeur. « I3F n’a nullement été associé à cette décision, et il est absolument hors de question que j’arme mes gardiens d’immeubles », affirme Daniel Buchy, directeur départemental. Le bailleur social, qui possède près de 14000 logements dans le Val-d’Oise répartis pour beaucoup à Garges-lès-Gonesse et Cergy-Pontoise, ne comprend pas l’intérêt d’une telle loi. « Nous offrons des formations aux gardiens pour gérer les conflits, et je préfère de loin qu’ils se retirent plutôt qu’ils se mettent en danger. Ce n’est pas du tout notre politique, ajoute Daniel Buchy. Ce texte de loi n’est absolument pas admissible pour nous comme pour les 130 gardiens que nous employons. »
« C’est au bailleur de décider s’il veut mettre ou non en place ce décret. Rien ne l’y oblige, précise Pierre-Henry Brandet. Cette mesure n’a pas vocation à remplacer les policiers, il s’agit simplement d’équiper un groupement d’armes de défense. Nous répondons à une demande. » Une formation, à la charge du bailleur, est tout de même requise.
Du côté des élus, la mesure ne semble pas davantage séduire. « Qu’on offre la possibilité aux gardiens de s’armer, je veux bien, confie Georges Mothron, député (UMP) d’Argenteuil-Bezons et président de Val-d’Oise Habitat, l’office HLM départemental qui compte environ 8000 logements dans le département et 80 gardiens. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait une demande en ce sens. » Le député-maire (PS) de Sarcelles, François Pupponi, est beaucoup moins réservé. « Il faut être fou pour armer des gardiens! Cela va forcément se retourner contre eux », insiste l’élu, avant d’ajouter, moqueur : « Rendez-vous dans six mois pour constater l’échec de ce décret… »
On n’en est visiblement pas encore là dans le Val-d’Oise. Les bailleurs contactés ne voient pas en effet ce texte d’un très bon œil. A l’office HLM d’Argenteuil-Bezons (ABH), qui compte 90 gardiens, on n’envisage pas de mettre en place cette mesure, malgré les tensions qui peuvent régner dans certaines cités. « Nos agents ont un rôle de prévention, ils ont un lien social avec les habitants et ne sont pas là pour remplacer la police de proximité : chacun son rôle! » insiste la direction. Une position partagée par la CGT qui crie carrément au scandale : « C’est vrai que les gardiens sont de plus en plus confrontés à des problèmes, des troubles, mais le port d’arme ne permettra pas de lutter correctement contre l’insécurité », souligne Cécile Sellier, une représentante du syndicat.
Dans l’est du département, ce décret est également accueilli avec stupeur. « I3F n’a nullement été associé à cette décision, et il est absolument hors de question que j’arme mes gardiens d’immeubles », affirme Daniel Buchy, directeur départemental. Le bailleur social, qui possède près de 14000 logements dans le Val-d’Oise répartis pour beaucoup à Garges-lès-Gonesse et Cergy-Pontoise, ne comprend pas l’intérêt d’une telle loi. « Nous offrons des formations aux gardiens pour gérer les conflits, et je préfère de loin qu’ils se retirent plutôt qu’ils se mettent en danger. Ce n’est pas du tout notre politique, ajoute Daniel Buchy. Ce texte de loi n’est absolument pas admissible pour nous comme pour les 130 gardiens que nous employons. »
« C’est au bailleur de décider s’il veut mettre ou non en place ce décret. Rien ne l’y oblige, précise Pierre-Henry Brandet. Cette mesure n’a pas vocation à remplacer les policiers, il s’agit simplement d’équiper un groupement d’armes de défense. Nous répondons à une demande. » Une formation, à la charge du bailleur, est tout de même requise.
Du côté des élus, la mesure ne semble pas davantage séduire. « Qu’on offre la possibilité aux gardiens de s’armer, je veux bien, confie Georges Mothron, député (UMP) d’Argenteuil-Bezons et président de Val-d’Oise Habitat, l’office HLM départemental qui compte environ 8000 logements dans le département et 80 gardiens. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait une demande en ce sens. » Le député-maire (PS) de Sarcelles, François Pupponi, est beaucoup moins réservé. « Il faut être fou pour armer des gardiens! Cela va forcément se retourner contre eux », insiste l’élu, avant d’ajouter, moqueur : « Rendez-vous dans six mois pour constater l’échec de ce décret… »
Le Parisien
MICHEL gardien d’immeuble à Bezons
M.G. | Publié le 03.01.2012, 04h35
Estomaqués. Entre les barres d’immeubles vieillissantes et jaunies par le temps de la cité Jean-Jaurès, à Bezons, les gardiens font les gros yeux. « Nous armer? Pourquoi? Pour que la violence augmente de plus en plus? critique Farid*, gardien d’immeuble depuis vingt ans. C’est idiot, on n’est pas vigiles! » A ses côtés, dans le local où les agents se réunissent le temps d’une courte pause-café, Ibrahim est tout autant « outré ». « On a un lien social avec les gens. Si jamais on nous arme, ils ne nous verront plus comme des gardiens, mais comme des policiers. Cela se retournera forcément contre nous, et il risque d’y avoir des morts. Si je sors mon tonfa, le gars d’en face ne se laissera pas faire… »
Tous le reconnaissent : l’insécurité existe. Mais pour les gardiens, « le problème ne se réglera pas par la violence, mais par le dialogue ». « Je ne comprends même pas qu’on propose cette possibilité », peste Farid. Dans un autre quartier de Bezons, réputé plus tranquille, les gardiens tiennent sensiblement le même discours. Après avoir vidé et lavé les conteneurs à poubelles, Michel scrute, méfiant, les passants avant de parler. Là aussi, les tonfas et les bombes lacrymogènes ne sont pas les bienvenus. « C’est même honteux de penser à nous donner ce genre de matériel. Nous ne sommes pas des cow-boys, s’énerve-t-il, assis dans son bureau sans chauffage. Déjà que nous sommes considérés comme des balances… » « De toute façon, on sait ce qu’on a à faire. Que chacun s’occupe de ses affaires, c’est le mieux, raille un gardien d’Argenteuil. On sait qu’il y a des problèmes de drogue, parfois d’alcool… Mais on ne peut rien y faire. C’est à la police de faire ce travail-là. »
*Tous les prénoms ont été modifiés.
Tous le reconnaissent : l’insécurité existe. Mais pour les gardiens, « le problème ne se réglera pas par la violence, mais par le dialogue ». « Je ne comprends même pas qu’on propose cette possibilité », peste Farid. Dans un autre quartier de Bezons, réputé plus tranquille, les gardiens tiennent sensiblement le même discours. Après avoir vidé et lavé les conteneurs à poubelles, Michel scrute, méfiant, les passants avant de parler. Là aussi, les tonfas et les bombes lacrymogènes ne sont pas les bienvenus. « C’est même honteux de penser à nous donner ce genre de matériel. Nous ne sommes pas des cow-boys, s’énerve-t-il, assis dans son bureau sans chauffage. Déjà que nous sommes considérés comme des balances… » « De toute façon, on sait ce qu’on a à faire. Que chacun s’occupe de ses affaires, c’est le mieux, raille un gardien d’Argenteuil. On sait qu’il y a des problèmes de drogue, parfois d’alcool… Mais on ne peut rien y faire. C’est à la police de faire ce travail-là. »
*Tous les prénoms ont été modifiés.
Le Parisien