Au cours d'une conférence de presse, ces associations ont annoncé attendre "les faits concrets lundi matin", et maintiennent leur revendication d'un moratoire des expulsions. Leur premier mot d'ordre, "non aux expulsions", avait été décidé avant l'annonce de la ministre du logement. Les associations présentes craignent que désormais on propose surtout des hébergements (solutions provisoires en foyer ou en hôtel), contribuant à la précarité et à l'insécurité des familles expulsées.
DES PROPOS "GÉNÉREUX MAIS PEU CONCRETS"
La Fondation Abbé Pierre a jugé les propos de Mme Boutin "généreux mais peu concrets" compte tenu de la "crise gravissime" du logement social, dans un communiqué diffusé jeudi. "Ils sont généreux, car l'idée de trouver un logement ou un hébergement aux familles expulsées prend (enfin) en compte ce que la loi relative au droit au logement opposable impose depuis déjà deux ans", écrit la Fondation. Mais "seul un moratoire différant toute expulsion en 2009 est en mesure d'éviter de nouvelles catastrophes sociales", conclut-elle.
Du côté des propriétaires, on n'y trouve pas son compte non plus. "Il s'agit d'effets d'annonce pour prévenir toute manifestation d'associations d'aide au logement à l'approche de la fin de la trêve hivernale", estime de son côté Jean Perrin, président de l'Union nationale de la propriété immobilière, qui compte deux cent quarante-sept mille adhérents. Selon lui, "il y a à l'heure actuelle peu d'expulsions par la force publique sans solution de relogement. Cette annonce ne va donc pas changer grand-chose".
Le Parisien-Aujourd'hui en France 12/03/2009
Christine Boutin : «Pas d’expulsion sans relogement»
Dimanche 15 mars sonne la fin de la trêve hivernale et du sursis pour tous les locataires sous le coup d’un jugement d’expulsion. Dans quatre jours, les expulsions pour défaut de paiement de loyers (dix mille ont été prononcées avec recours à la force publique en 2008) pourront donc reprendre, et ce, jusqu’au 1er novembre. Mais, dans un entretien exclusif, Christine Boutin annonce que la fin de cette trêve devient caduque : il n’y aura plus d’expulsions sans solution de relogement ou d’hébergement. La ministre du Logement rappellera cette obligation aux préfets aujourd’hui, lors d’un déplacement à Châlons-en-Champagne (Marne).
Un collectif de trente-deux associations d’aide aux mal-logés a demandé un moratoire sur les expulsions. Que lui répondez-vous ?
Christine Boutin. Je lui dis : « J’ai mieux à vous proposer. » Désormais, il n’y aura plus de personnes mises à la rue, plus d’expulsions sans une solution de remplacement. Un préfet ne mettra plus à exécution un jugement d’expulsion sans proposer un relogement ou un hébergement pour les locataires dans l’impossibilité de payer leur loyer. Il y a désormais une obligation de résultat. Ce principe entre immédiatement en vigueur.
Comment ?
Tout cela est encadré par ma loi sur le logement qui exige la mise en place, dans chaque département, d’une commission de prévention des expulsions et qui facilite le développement de l’intermédiation locative. Concrètement, une association ou un bailleur social bénéficiant de crédits de mon ministère pourra, vis-à-vis du propriétaire, se substituer aux locataires en difficulté et accompagner ces familles fragilisées. Cela doit leur permettre de rester dans leur logement. J’y veillerai.
Que prévoyez-vous pour les locataires dits de « mauvaise foi » qui se trouvent sous le coup d’un jugement d’expulsion ?
Mon objectif est clair : personne ne doit se retrouver à la rue à la suite d’une expulsion. Mauvaise foi ou pas, ils auront droit au moins à une solution d’hébergement.
La loi de 1990 sur la trêve hivernale reste en vigueur ?
Oui, mais avec l’obligation faite aux préfets de proposer une solution de relogement ou d’hébergement avant toute expulsion. Maintenant, les locataires ne sont plus seuls face aux difficultés de paiement. Il n’est pas honteux de recevoir l’aide de la commission de prévention.
Encore faut-il que les préfets aient des logements disponibles…
C’est évidemment plus facile en province qu’en Ile-de-France. Mais je veux rappeler quand même qu’on n’a jamais autant construit de logements sociaux qu’actuellement.
Le 15 mai, les Enfants de Don Quichotte installeront des campements un peu partout dans l’Hexagone. Qu’en pensez-vous ?
Franchement, je n’ai à rien à dire là-dessus. Mon action n’est pas de développer des campements provisoires, mais de trouver des solutions décentes et durables.
Le Parisien
LIBERATION
Les militants du logement social voient dans cette annonce de la ministre du Logement, à trois jours de la fin de la trêve hivernale, un risque d'extension des hébergements temporaires au détriment d'un relogement stable.
(Flickr / Chatirygirl)
Christine Boutin a promis jeudi que dorénavant aucune expulsion locative ne serait exécutée sans «solution de remplacement» mais les militants du logement social voient dans cette annonce un risque d’extension des hébergements temporaires au détriment d’un relogement stable.
Chaque année, le 15 mars, date de la fin de la «trêve hivernale», s’accompagne d’une multitude d’expulsions de locataires, le plus souvent pour cause d’impayé, une pratique dénoncée par les associations qui réclament un moratoire définitif.
«Désormais, il n’y aura plus de personnes mises à la rue, plus d’expulsions sans une solution de remplacement», a affirmé la ministre du Logement, Mme Boutin, dans une interview au Parisien-Aujourd’hui en France. «Un préfet ne mettra plus à exécution un jugement d’expulsion sans proposer un relogement ou un hébergement pour les locataires dans l’impossibilité de payer leur loyer», a précisé la ministre.
L’annonce de Mme Boutin a été accueillie avec scepticisme. La Fondation Abbé Pierre a parlé de «propos généreux mais peu concrets» et l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) d’«effets d’annonce» considérant qu’actuellement, il y «peu» d’expulsons sans solution de remplacement.
Les associations qui militent pour le logement social, dont la CNL (Confédération nationale du Logement) et le Dal (Droit au Logement) ont immédiatement jugé la proposition insuffisante craignant qu’on propose surtout aux expulsables une solution d’hébergement (accueil temporaire en hôtel ou foyer) et non un relogement stable.
Dans l’après-midi de jeudi, Mme Boutin a diffusé son instruction aux préfets leur rappelant l’obligation de mettre en place des commissions de prévention des expulsions. Elle leur demande aussi de veiller à la mise en place de systèmes d’intermédiation locative (en cas de défaillance du locataire, le loyer est payé par une association) et de prévoir «au moins un hébergement provisoire» en cas d’expulsion locative.
Elle a dit à Chalons-en-Chanpagne qu’elle voulait «faire tomber en désuétude la date du 15 mars», qui clôt la trêve hivernale.
Avant même ses annonces, les associations ont insisté jeudi matin au cours d’une conférence de presse sur le «désengagement de l’Etat» en matière de logement social, caractérisé par une baisse des crédits du ministère de Mme Boutin. L’Anru (Agence nationale de rénovation urbaine) et l’Anah (Agence nationale d’amélioration de l’habitat) vont être financés par une partie de la collecte du 1% logement (initialement dédiée à l’aide directe au logement social) et «l’épargne populaire (le livret A) a été aspirée pour atténuer les effets de la crise sur les promoteurs immobiliers», déplorent-elles.
Les associations jugent insuffisantes les aides personnelles au logement. Selon la Fondation Abbé Pierre, elles ont baissé de 12,5% depuis 2001 alors même que les loyers ont flambé.
Ces associations appellent à manifester dimanche à Paris (à partir de la place de la République), réclamant l’arrêt des expulsions locatives, «le droit à un logement stable», «une baisse des loyers et des charges et une taxation de la promotion immobilière» et enfin la «réalisation massive de vrais logement sociaux, et en attendant, l’application de la loi de réquisition».
Selon le mouvement Emmaüs, «500.000 ménages sont en situation d’impayés de loyers». En 2008, plus de 11.000 expulsions de personnes sans solution de relogement ont été exécutées avec le concours de la force publique.
Liberation.fr