Il a été découvert mort jeudi matin, un peu avant 10 heures, dans ce quartier de la Basilique où il vivait emmitouflé dans son sac de couchage, la nuit, dehors, depuis des années. Sa disparition a créé une vague d’émotion tout autour… « C’est triste. Nous le connaissions tous dans le quartier, confie la pharmacienne de la rue Paul-Vaillant-Couturier. J’ai envie d’ajouter Paix à son âme… » Boris a été retrouvé près d’un salon de coiffure. Son corps a été transporté à l’institut médico-légal de Garches (Hauts-de-Seine) en vue d’une autopsie afin d’établir les causes exactes de la mort. Il était par ailleurs démuni de papiers d’identité. Il était âgé d’une soixantaine d’années, peut-être 70.

« Un homme formidable »

Cela faisait plusieurs années que le SDF avait élu domicile dans le quartier de la Basilique, dans le centre d’Argenteuil. « Peut-être trois ans », évoque Corinne, une bénévole de la paroisse, qui le croisait régulièrement, notamment lors des maraudes. « Il va nous manquer, il va manquer au quartier » confie-t-elle, parlant d’« un homme formidable qui avait une grande force de caractère pour vivre ce qu’il vivait. Il n’y avait pas d’agressivité chez lui, poursuit-elle. Il parlait le bulgare et ce n’était pas toujours facile de communiquer avec lui. Mais avec du tact, on y parvenait. »

Boris dormait un peu partout autour de la Basilique. Dans le square des Deux-Abbés, qui borde tout un côté de l’église, à l’entrée de celle-ci, sous les arcades, le narthex. Parfois, il dormait chez les commerçants qui l’hébergeaient. « Il a aussi dormi ici, sur la pierre tombale », confie Serge, un habitant du quartier, en montrant la tombe de Françoise de Castellane et de son fils, située à l’arrière de la Basilique. Il évoque aussi un homme « très intelligent, bon vivant, qui aimait rire ».

« Les maraudes étaient parfois compliquées avec lui, il ne voulait pas d’aide »

Chacun se souvient aussi du SDF balayant parfois les trottoirs des commerçants du quartier pour une petite pièce. « Quand il était en forme, sobre, il rendait service », confie le père David Lamballe, vicaire de la basilique, qui peine à cacher son émotion. « Ici, il faisait des petits ménages sur le parvis qui est parfois assez sale. Il aimait bien justifier le pain qu’il mangeait. Parfois, c’était symbolique, mais il ne souhaitait pas être assisté », ajoute-t-il au sujet d’un homme qu’il a souvent croisé. « Nous l’avons bien connu ces derniers mois, surtout l’hiver dernier, lorsqu’il faisait froid. C’est vrai que les maraudes étaient parfois compliquées avec lui, il ne voulait pas d’aide. Il avait aussi les moyens de s’aider tout seul. Une équipe de la maraude l’a vu lundi soir. Il avait l’air agacé. Il a montré des analyses médicales et Corinne a remarqué alors qu’il n’était pas bien. D’autres personnes ne l’ont pas relevé, poursuit l’homme d’église. Samedi, j’avais participé à la maraude alors qu’il faisait superfroid. Nous avions été très surpris de ne pas le trouver, alors que nous avions fait tous les parkings souterrains. Il y a quelques années, un autre SDF du quartier est mort. À chaque fois, on se remet en cause, on se pose la question de savoir ce que l’on a raté… Cela a créé un trouble au sein de la communauté. »

Une messe à sa mémoire

Boris était également connu pour faire irruption dans la basilique en pleine cérémonie, assez bruyamment. « Mais je me rappelle aussi l’avoir béni, continue le père David Lamballe. Parfois, les défunts sont seuls à l’église. Lorsque cela arrivait, Boris entrait, ôtait son couvre-chef, murmurait… C’était flagrant qu’il priait avec nous. Lorsqu’il y avait un corbillard devant la basilique, et que les gens passaient sans s’arrêter, lui restait quelques minutes devant et priait. C’est le souvenir que je vais conserver de lui. »

Un souvenir que le prêtre pense pouvoir partager avec ses fidèles, souhaitant dire une messe en souvenir de Boris. « Il était chrétien, probablement orthodoxe. Nous sommes tous un peu touchés. Nous sommes en train de nous organiser avec la mairie. Il devrait y avoir un peu plus de monde que d’habitude. »

Un autre SDF est décédé à Argenteuil huit jours plus tôt. Il a trouvé la mort dans l’incendie de la guérite de l’ancien site Yoplait, où il avait trouvé refuge depuis peu, dans un contexte de séparation.