Article paru dans le Parisien du 23/09/2021
Un conseil d’administration extraordinaire d’AB-Habitat est prévu ce jeudi après-midi avec pour unique point à l’ordre du jour la gouvernance de cet organisme qui compte 12 000 logements. Salariés et locataires, qui pointent depuis plusieurs mois des problèmes de gestion, manifesteront à cette occasion.
Le bailleur social AB-Habitat, qui gère 12 000 logements et 30 000 locataires sur les communes d’Argenteuil et de Bezons (Val-d’Oise), est en crise. Le conseil d’administration de cette coopérative HLM se réunit ce jeudi après-midi en séance extraordinaire avec un seul point à l’ordre du jour concernant la « gouvernance ».
Le président du conseil d’administration, Dominique Lesparre (PCF), maire de Bezons de 2001 à 2020, pourrait à cette occasion démettre de ses fonctions son directeur général, Salah Lounici, à ce poste depuis trois ans. Les relations entre les deux hommes sont, paraît-il, exécrables depuis plusieurs mois.
Ce limogeage est en tout cas ce qu’attendent les organisations qui ont appelé à un rassemblement devant le siège d’AB-Habitat, ce jeudi à 13h30, soit une heure avant la tenue de ce conseil d’administration. « Nous avons un directeur général qui, en trois ans, a tout désorganisé. Il travaille tout seul, donc il y a eu des gros problèmes », accuse Marcel Carlier, représentant de la Confédération nationale du logement (CNL), qui regroupe 14 amicales de locataires. « Je suis intervenu sept fois au conseil d’administration pour expliquer tous les problèmes. »
« Une gestion catastrophique », selon la CGT
La CNL n’est pas seule à déplorer des dysfonctionnements au sein de cet organisme HLM. Le 18 juin, une réunion de locataires à Bezons avait abouti à la création d’une association pour dénoncer tous ces problèmes.
Le syndicat CGT des salariés du bailleur social manifestera également aux côtés de la CNL, avant le conseil d’administration. « Une gestion catastrophique qui engendre la dégradation de la qualité de service et des conditions de travail », titrait un tract du syndicat la semaine dernière. « Ça dure depuis 2016 mais ça s’est accru avec l’arrivée du nouveau directeur général », indique Cécile Sellier, déléguée syndicale CGT et secrétaire du Comité social et économique (CSE).
Elle ajoute que 30 % des personnels auraient quitté l’entreprise ces trois dernières années. Tous les directeurs seraient partis sauf un. « En ce moment, on a une réorganisation des équipes de proximité qui a été faite sans les salariés. Tout est fait sans concertation », ajoute-t-elle. « Les locataires n’ont jamais été aussi mécontents de la qualité de service », ajoute le tract de la CGT.
Le conseil d’administration devra trancher
Mais le syndicat ne voit pas le départ du directeur général comme une solution. « Le problème est plus large, confie Cécile Sellier. C’est lui qui dirige l’entreprise mais il y a un conseil d’administration qui doit donner une feuille de route. » Sans participer au conflit qui oppose le président au directeur général, elle attend toutefois du premier qu’il mette fin au mandat du second. Et selon elle, c’est ce qui devrait se produire. « Je pense que le conseil d’administration va enfin prendre ses responsabilités », ajoute-t-elle.
Difficile d’anticiper sur ce qui va se produire lors de cette réunion. Dominique Lesparre n’a pas souhaité répondre à nos questions. Salah Lounici n’a pas non plus répondu à nos sollicitations.
Philippe Doucet (PS), ancien maire d’Argenteuil et administrateur d’AB-Habitat, ne se voit pas voter pour le limogeage du directeur général. « C’est le problème de Dominique Lesparre, c’est lui qui l’a mis là, estime-t-il. Le directeur général vient de la matrice du parti communiste, il était élu à Argenteuil sous Robert Montdargent (maire communiste d’Argenteuil de 1977 à 1995). » L’ancien maire socialiste s’estime dans la minorité au sein de ce conseil pour avoir été chassé de son poste de vice-président en 2017 par Dominique Lesparre, avec le soutien de son rival, Georges Mothron (LR), actuel maire d’Argenteuil.
Quid de la réhabilitation de la cité Champagne
Georges Mothron dit avoir été surpris de voir l’intitulé de la convocation à ce conseil d’administration. « Je trouve ça curieux, confie-t-il. C’est le troisième directeur général en sept ans, il faudrait un peu de stabilité. » Ne disposant que d’un siège, la ville d’Argenteuil dispose d’un poids réduit dans cette assemblée. « Ce qui m’agace, c’est de voir comment les personnes sont traitées à l’heure actuelle, ajoute-t-il. Je pense à la cité Champagne, ça fait 10 ans qu’on leur parle de réhabilitation, les gens finissent par ne plus y croire. »
Quelle part la situation financière d’AB-Habitat joue dans cette crise ? « Des inquiétudes concernant les finances de notre organisme avec une trésorerie qui est au plus bas », relève la CGT dans son tract. La loi Elan imposait à AB-Habitat de compter 12 000 logements au 1er janvier 2021, sous peine de devoir être absorbé par un opérateur plus large. Il a fallu qu’AB-Habitat achète près de 900 logements en 2020 pour atteindre ce chiffre. « Le complément a dû être acheté à des prix importants et cela grève la trésorerie, estime Georges Mothron. Ça sera aussi abordé ce jeudi. »