Après un rachat d’immeubles, le bailleur social n’a pas fait signer de nouveaux baux aux locataires en place. Plusieurs dénoncent alors des augmentations de loyers injustifiées. La justice a donné raison à l’une d’eux.
Cet immeuble du XVe arrondissement de Paris a été acheté en 2006 à la mairie de Paris par ICF Habitat. LP/Aubin Laratte
Le bailleur social ICF Habitat a-t-il perçu des surloyers qu'il n'aurait pas dû appliquer ? C'est la question que se posent plusieurs de ses locataires qui ont lancé des poursuites à l'encontre du bailleur social.
Thérèse Henry-Labonne, dans le XVe arrondissement, a obtenu, en décembre, de la cour d'appel de Paris, le remboursement de 18 000 euros de trop-perçus correspondant à des augmentations de loyers. ICF Habitat s'est d'ores et déjà pourvu en cassation. Cinq autres locataires, menacés d'expulsion après avoir refusé de payer des surloyers, ont lancé des poursuites.
Des milliers de logements rachetés pour plus de 250 millions d'euros
Tout commence en 2005. La mairie de Paris reprend le contrôle de plusieurs milliers de logements gérés par la SAGI, la société anonyme de gestion immobilière, puis en revend une partie l'année suivante à La Sablière (depuis rachetée par ICF Habitat) pour plus de 250 millions d'euros. A l'intérieur de ces immeubles, situés dans les XIe, XIIIe, XIVe, XVe et XIXe arrondissements, les locataires restent et reçoivent, de la part du bailleur social, l'engagement de proroger les baux pendant six ans. Autrement dit : le rachat ne change rien… pour le moment.
Mais pour les locataires, c'est rapidement la désillusion : « La prorogation n'a pas été respectée et les loyers ont été augmentés sans suivre les conditions du bail initial », dénonce Karim Laouafi, avocat, qui représente six plaignants.
Faux, répond ICF, dans une réponse au Parisien transmise par e-mail, après avoir d'abord refusé de répondre à nos questions. « Les baux des locataires présents dans les lieux ont bien été prorogés », écrit-il.
Des loyers plus que doublés en dix ans
Autre grief de l'accusation : les locataires n'ont signé aucun nouveau bail lors du rachat. « Le seul qu'on a signé est un bail du privé, on nous en a jamais fait signer d'autre ! » dénonce un locataire de 78 ans, qui préfère témoigner anonymement. « On a considéré qu'il n'était pas obligatoire que les locataires signent de nouveaux baux compte tenu des textes légaux applicables, répond de son côté ICF. C'est l'objet du débat juridique actuel. »
Alors que leur loyer devait suivre l'évolution de l'indice de référence de loyers, défini par l'Insee, les locataires ont été soumis à la grille des logements sociaux. « On a été passés sous algorithme », dénonce Thérèse Henry-Labonne, aussi présidente de l'association du square Duranton-Henry.
Ceux qui dépassent les plafonds – ils sont plusieurs, ces logements ayant été loués initialement par l'intermédiaire du « 1 % patronal » – ont alors vu leurs loyers atteindre le loyer maximum dérogatoire auquel s'ajoute un « supplément de loyer de solidarité » (SLS). Le prix à payer pour occuper un logement social quand on dépasse les plafonds de ressources … Politique assumée par ICF Habitat – qui note que certains locataires ont de la même façon pu voir leur loyer baisser, mais dénoncée par les plaignants dans la mesure où aucun bail n'avait été signé.
1900 euros de ressources… pour un loyer de 1124 euros
Thérèse Henry-Labonne, qui avait emménagé en 1990 dans un quatre-pièces du XVe arrondissement, rue de la Convention, a ainsi vu son loyer passer de 500 euros, avant le rachat, à 540 euros en mai 2007… et 1124 euros en 2016. Soit une augmentation du loyer, en dix ans, de plus de 200 % ! « L'objectif, c'était de nous faire partir », dénonce la locataire.
A 68 ans, Thérèse Henry-Labonne travaille toujours comme collaboratrice parlementaire : « Avec une retraite à 1900 euros, je ne pouvais plus payer mon loyer, explique-t-elle. J'ai été obligée de reprendre un travail. »
« Mon loyer a été augmenté jusqu'à atteindre le loyer maximum, mais on m'a ensuite fait payer un SLS deux fois plus élevé que mon loyer ! » déplore le locataire d'un autre immeuble. Il a refusé de le payer et est menacé d'expulsion, comme quatre autres de ses voisins.
D'autres auraient-ils trop payé ?
« On a des personnes qui ne peuvent plus suivre ces augmentations de loyers », révèle Thérèse Henry-Labonne. « Le cumul du loyer et du supplément de loyer de solidarité est plafonné à 30 % des revenus des locataires », rappelle de son côté ICF Habitat, qui a bon espoir de voir la décision de justice retoquée : « La décision est en contradiction avec l'ensemble des autres décisions rendues précédemment par la Cour d'appel ».
Si Karim Laouafi porte le dossier de six victimes présumées, leur nombre pourrait être bien plus important. « Des gens ont payé ou payent ces augmentations, ou même sont partis », explique Thérèse Henry-Labonne. Cette vente de 2006 à ICF Habitat concernait une dizaine d'immeubles et des centaines d'appartements.
Karim Laouafi cherche aujourd'hui à réunir toutes les personnes potentiellement lésées pour entamer des démarches pour chacune d'elles. A la question de savoir si ICF Habitat régularisera tous les locataires concernés, en cas de condamnation définitive, le bailleur nous a répondu : « Il est prématuré de répondre à cette question sur une affaire en cours ».
Cet immeuble du XVe arrondissement de Paris a été acheté en 2006 à la mairie de Paris par ICF Habitat. LP/Aubin Laratte
Le bailleur social ICF Habitat a-t-il perçu des surloyers qu'il n'aurait pas dû appliquer ? C'est la question que se posent plusieurs de ses locataires qui ont lancé des poursuites à l'encontre du bailleur social.
Thérèse Henry-Labonne, dans le XVe arrondissement, a obtenu, en décembre, de la cour d'appel de Paris, le remboursement de 18 000 euros de trop-perçus correspondant à des augmentations de loyers. ICF Habitat s'est d'ores et déjà pourvu en cassation. Cinq autres locataires, menacés d'expulsion après avoir refusé de payer des surloyers, ont lancé des poursuites.
Des milliers de logements rachetés pour plus de 250 millions d'euros
Tout commence en 2005. La mairie de Paris reprend le contrôle de plusieurs milliers de logements gérés par la SAGI, la société anonyme de gestion immobilière, puis en revend une partie l'année suivante à La Sablière (depuis rachetée par ICF Habitat) pour plus de 250 millions d'euros. A l'intérieur de ces immeubles, situés dans les XIe, XIIIe, XIVe, XVe et XIXe arrondissements, les locataires restent et reçoivent, de la part du bailleur social, l'engagement de proroger les baux pendant six ans. Autrement dit : le rachat ne change rien… pour le moment.
Mais pour les locataires, c'est rapidement la désillusion : « La prorogation n'a pas été respectée et les loyers ont été augmentés sans suivre les conditions du bail initial », dénonce Karim Laouafi, avocat, qui représente six plaignants.
Faux, répond ICF, dans une réponse au Parisien transmise par e-mail, après avoir d'abord refusé de répondre à nos questions. « Les baux des locataires présents dans les lieux ont bien été prorogés », écrit-il.
Des loyers plus que doublés en dix ans
Autre grief de l'accusation : les locataires n'ont signé aucun nouveau bail lors du rachat. « Le seul qu'on a signé est un bail du privé, on nous en a jamais fait signer d'autre ! » dénonce un locataire de 78 ans, qui préfère témoigner anonymement. « On a considéré qu'il n'était pas obligatoire que les locataires signent de nouveaux baux compte tenu des textes légaux applicables, répond de son côté ICF. C'est l'objet du débat juridique actuel. »
Alors que leur loyer devait suivre l'évolution de l'indice de référence de loyers, défini par l'Insee, les locataires ont été soumis à la grille des logements sociaux. « On a été passés sous algorithme », dénonce Thérèse Henry-Labonne, aussi présidente de l'association du square Duranton-Henry.
Ceux qui dépassent les plafonds – ils sont plusieurs, ces logements ayant été loués initialement par l'intermédiaire du « 1 % patronal » – ont alors vu leurs loyers atteindre le loyer maximum dérogatoire auquel s'ajoute un « supplément de loyer de solidarité » (SLS). Le prix à payer pour occuper un logement social quand on dépasse les plafonds de ressources … Politique assumée par ICF Habitat – qui note que certains locataires ont de la même façon pu voir leur loyer baisser, mais dénoncée par les plaignants dans la mesure où aucun bail n'avait été signé.
1900 euros de ressources… pour un loyer de 1124 euros
Thérèse Henry-Labonne, qui avait emménagé en 1990 dans un quatre-pièces du XVe arrondissement, rue de la Convention, a ainsi vu son loyer passer de 500 euros, avant le rachat, à 540 euros en mai 2007… et 1124 euros en 2016. Soit une augmentation du loyer, en dix ans, de plus de 200 % ! « L'objectif, c'était de nous faire partir », dénonce la locataire.
A 68 ans, Thérèse Henry-Labonne travaille toujours comme collaboratrice parlementaire : « Avec une retraite à 1900 euros, je ne pouvais plus payer mon loyer, explique-t-elle. J'ai été obligée de reprendre un travail. »
« Mon loyer a été augmenté jusqu'à atteindre le loyer maximum, mais on m'a ensuite fait payer un SLS deux fois plus élevé que mon loyer ! » déplore le locataire d'un autre immeuble. Il a refusé de le payer et est menacé d'expulsion, comme quatre autres de ses voisins.
D'autres auraient-ils trop payé ?
« On a des personnes qui ne peuvent plus suivre ces augmentations de loyers », révèle Thérèse Henry-Labonne. « Le cumul du loyer et du supplément de loyer de solidarité est plafonné à 30 % des revenus des locataires », rappelle de son côté ICF Habitat, qui a bon espoir de voir la décision de justice retoquée : « La décision est en contradiction avec l'ensemble des autres décisions rendues précédemment par la Cour d'appel ».
Si Karim Laouafi porte le dossier de six victimes présumées, leur nombre pourrait être bien plus important. « Des gens ont payé ou payent ces augmentations, ou même sont partis », explique Thérèse Henry-Labonne. Cette vente de 2006 à ICF Habitat concernait une dizaine d'immeubles et des centaines d'appartements.
Karim Laouafi cherche aujourd'hui à réunir toutes les personnes potentiellement lésées pour entamer des démarches pour chacune d'elles. A la question de savoir si ICF Habitat régularisera tous les locataires concernés, en cas de condamnation définitive, le bailleur nous a répondu : « Il est prématuré de répondre à cette question sur une affaire en cours ».