4 % du parc privé francilien est insalubre selon une étude de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme. Paris et la Seine-Saint-Denis sont particulièrement concernés par cette gangrène, mais aucun département n’y échappe.
Saint-Denis, le 1er février 2019. La terrible situation de l’immeuble du 10, boulevard Ornano, évacué depuis, avait été révélée par Le Parisien. Selon un recensement des services sociaux, 21 adultes et 7 enfants vivaient dans des conditions indignes : humidité, branchements électriques bricolés… LP/Gwenael Bourdon
L'habitat indigne a été sous les feux de l'actualité en 2018 après l'effondrement tragique des immeubles rue d'Aubagne à Marseille (Bouches-du-Rhône) provoquant la mort de huit personnes. En Ile-de-France, c'est un sujet majeur du fait de la rareté de l'offre au regard des besoins. Un terrain de chasse idéal pour les marchands de sommeil qui savent qu'ils trouveront toujours des locataires dans le besoin, prêts à se loger même dans les conditions les plus précaires.
Le dernier rapport de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France (IAU) a ainsi calculé que 157 000 logements privés étaient « potentiellement indignes ». C'est 4 % du parc privé francilien.
L'habitat indigne recouvre toutes les situations d'insalubrité, de suroccupation, de locaux détournés de leur fonction comme des caves, de présence de peinture au plomb avec les risques de saturnisme… Ce n'est pas un hasard si les intoxications au plomb augmentent ces dernières années (44 cas en 2014 et 144 en 2017).
Parmi les évolutions récentes, note le rapport « la montée en puissance des divisions pavillonnaires (une maison découpée en plusieurs « appartements ») notamment en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, et « la fragilisation de nombreuses copropriétés ».
Le gouvernement a lancé un nouveau plan pour aider ces copropriétés à la dérive. Dans les Yvelines, le ministre du Logement, Julien Denormandie, est venu signer en décembre dernier l'opération de « requalification de copropriétés dégradées » au Val-Fourré à Mantes-la-Jolie. La troisième opération de ce type, après celles de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et de Grigny (Essonne). Concrètement, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (composé de représentants de l'Etat, de la région et des collectivités) peut acquérir une partie des logements dégradés et se substituer ainsi aux propriétaires défaillants.
Des loyers parfois supérieurs à ceux du marché
Anne-Caire Davy, l'auteure du rapport, parle pour les marchands de sommeil qui gèrent ces logements indignes, de « marché juteux ». « Les loyers constatés dans le parc locatif indigne sont parfois proches, voire supérieurs, à ceux du marché. » Des loyers dépassant 50 euros du mètre carré « malgré des conditions très dégradées » ne sont pas rares.
Paris est de loin le département qui compte le plus de logements privés potentiellement insalubres en Ile-de-France (plus de 61 000 en 2013). L'étude note que 70% du parc a été construit avant 1949, il est donc très ancien. L'habitat insalubre est surtout fortement concentré, pour plus de la moitié, dans les XIe, XVIIIe et XIXe arrondissements.
Dans la capitale, comme pour les départements de petite couronne, l'indignité des logements est fortement liée à la suroccupation des appartements. Lueur d'optimisme, selon le rapport, « le nombre de logements indignes à Paris a fortement baissé ces dernières années » (10 % de moins entre 2009 et 2013) notamment avec l'envolée des prix de l'immobilier qui incite les propriétaires privés à se lancer dans des investissements importants.
La Seine-Saint-Denis «massivement» touchée par l'habitat indigne
La Seine-Saint-Denis reste le département d'Ile-de-France « massivement touché par l'habitat indigne » avec plus de 7 % de son parc privé qualifié de « potentiellement indigne », soit 28 500 logements. Dans des villes comme Aubervilliers, Saint-Ouen ou Saint-Denis, le taux de logements insalubres atteint ou dépasse les 20%.
A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la commune bénéficie depuis 2011 d'un des plus importants programmes de requalification des quartiers anciens dégradés. Entre 2011 et 2017, il a permis d'identifier 293 logements insalubres, mais aussi de réhabiliter ou reconstruire 601 logements, ainsi que des commerces et quelques équipements en centre-ville. Plus largement, 1 logement sur 5 serait « potentiellement indigne » dans l'ensemble de la commune, 2 sur 5 dans le centre-ville!
Fin janvier, en Seine-Saint-Denis, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné les propriétaires d'un entrepôt à reverser 11 600 euros de préjudice matériel et 1500 euros de préjudice d'image à la commune d'Aubervilliers. Une première dans cette ville qui a fait de la lutte contre l'habitat indigne une priorité. Dans cet entrepôt de 480 m2, survivaient une dizaine de personnes majoritairement sans-papiers dans des pièces, parfois de moins de 9 m2, sans fenêtre ni chauffage pour environ 600 euros par mois.