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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 17:45
Jeudi, 13 Février, 2020

A-C Poujoulat/ AFP

« Un Français sur cinq est en situation de mal-logement », alerte la Fondation Abbé-Pierre dans son dernier rapport. La situation s’aggrave pour les plus vulnérables et, parmi eux, les personnes seules et foyers avec revenu unique dont le nombre est en constante augmentation.

 

L’augmentation du nombre de personnes seules est une des causes structurelles de la crise du logement », résume Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre (FAP), à l’occasion de la sortie du 25e rapport de l’association sur l’état du mal-logement. Alors que, dans l’imaginaire collectif, le modèle dominant reste celui de la famille nucléaire classique (fondée sur un couple), celle-ci est devenue minoritaire. En 2016, seulement 30 % des ménages français étaient composés d’au moins trois personnes, selon le dernier portrait social de la France réalisé par l’Insee.

Ce sont désormais les foyers composés d’une seule personne qui sont les plus nombreux. Ils représentent 36 % des ménages (contre 25,5 % en couple sans enfants et 9 % de familles monoparentales), en raison de trois évolutions sociologiques : mise en couple plus tardive, séparations plus fréquentes et veuvage avec l’allongement de l’espérance de vie. Corollaire de cette réduction de la taille des ménages, leur nombre a augmenté : + 4,2 millions entre 1999 et 2013, engendrant une hausse rapide de la demande sur le marché du logement. À elle seule, estime la FAP, cette hausse « a nécessité la production de près de 7 millions de logements ».

Plus nombreuses, les personnes seules sont aussi moins bien armées. Avec un unique salaire pour vivre, elles sont plus pauvres que les autres. Leur revenu disponible annuel est en moyenne de 21 600 euros, contre 36 340 pour l’ensemble de la population. Les catégories les plus fragiles de la population sont surreprésentées parmi elles, tout comme les femmes, les ouvriers ou les personnes âgées. « Les personnes seules ne peuvent pas faire d’économie d’échelle. Affronter seules le coût des aléas de la vie constitue un handicap », ajoute Manuel Domergue. À ces difficultés économiques s’ajoute le coût psychologique de l’isolement quand il est subi. « Chez les personnes fragiles, souligne la FAP, “l’entrée en solitude” constitue un terreau favorisant le mal-logement. » La solitude qui fait suite à un décès ou à une séparation entraîne à la fois fragilité morale et économique. Les deux se renforcent, surtout pour les femmes. Elles sont 20 % à basculer dans la pauvreté après un divorce, contre 8 % des hommes.

avec airBnB, la pénurie des studios

Le marché du logement tarde à prendre en compte les besoins de ces personnes vivant seules. En 2016, 18 % des appartements sont composés d’une ou deux pièces, soit seulement 0,5 % de plus qu’en 2005. « Un taux de couverture de la demande potentielle des ménages d’une personne de l’ordre de 50 % », analyse la FAP. Cette rareté entraîne une mise en concurrence, qui se fait au détriment des plus modestes, et même des classes moyennes. Les jeunes qui démarrent dans l’emploi, notamment, peinent à se loger, même avec des bons revenus, en raison de leur statut précaire. Les propriétaires de petits logements ont tendance à privilégier les étudiants, jugés plus sûrs en raison de leurs garants. L’émergence des plateformes de locations touristiques, dont les offres sont concentrées sur les petites surfaces (68 % des annonces parisiennes sont des studios), a encore réduit le nombre de logements disponibles pour le public des personnes seules.

Rares, les petits logements sont aussi beaucoup plus chers. À Paris et à Lyon, un studio se loue 40 % de plus au mètre carré qu’un cinq-pièces. Toutes les zones urbaines où la demande est forte sont touchées. Le loyer d’un T4 coûte 8,5 euros par mètre carré à Rennes, contre 14,8 euros pour un T1. Dans les Alpes-Maritimes, la différence monte à 7 euros par mètre carré. La rotation plus forte sur les petites surfaces, qui permet aux propriétaires de chaque fois procéder à une hausse du loyer, explique en partie ce surcoût. Les personnes seules sont d’autant plus affectées qu’elles habitent plus souvent dans les centres des grandes villes, où elles représentent 50 % des ménages et où les prix sont les plus élevés.

Entre leurs revenus plus faibles et des loyers plus élevés, l’accès au marché privé du logement est quasi impossible dans beaucoup de métropoles, même en bénéficiant des APL (aides personnalisées au logement). La Fondation Abbé-Pierre a réalisé une simulation en mettant en parallèle les revenus de différents types de célibataires (personne seule au Smic, au RSA, jeune en alternance, minimum vieillesse) dans six villes. Résultat, Clermont-Ferrand est la seule ville où il est possible, pour une partie au moins de ces catégories, de trouver un logement sans avoir à dépenser plus de 33 % de leurs revenus disponibles. Toulouse, ­Bordeaux, Lille, et bien sûr Paris « se ferment, aux conditions moyennes du marché, à la totalité des ménages aux revenus inférieurs à 1,5 Smic », résume l’association.

25 % de petites surfaces dans le parc social 

Quelles solutions pour échapper à l’exclusion du marché ? Les personnes vivant seules peuvent se tourner vers les HLM. Mais, là encore, elles ont plus de mal que les autres à trouver chaussure à leur pied. Conçu pour les familles, le logement social n’a que 25 % de T1 et T2. Une part insuffisante, au regard de la demande, constituée à 47 % (soit 900 000 des 2,1 millions de demandes) par des ménages d’un seul membre. Ces derniers ont donc plus de mal à se voir attribuer un logement social (19 % de demandes satisfaites, autant que pour les familles de cinq personnes) et cela prend plus de temps.

Faute de logements adaptés, beaucoup de personnes seules sont obligées d’avoir recours à des solutions indignes. Elles sont par exemple plus nombreuses que la moyenne à payer des montants de loyers qui vampirisent leurs revenus. 13 % d’entre elles ont moins de 650 euros pour vivre, une fois leur location payée, contre 4 % des couples sans enfants et 8 % des familles. Les personnes isolées sont aussi « surreprésentées dans les formes résidentielles les plus précaires ». Squat, logement insalubre, surpopulation via l’habitat chez un tiers pallient le déficit. Cette fragilité résidentielle est une source de vulnérabilité de plus pour des personnes que le moindre incident de vie – comme une maladie ou une perte d’emploi – peut faire basculer. Dans ce cercle vicieux, mal-logement et isolement se renforcent mutuellement.

Sans surprise, les personnes seules sont aussi largement majoritaires chez les sans-domicile (65 %). Elles représentent d’ailleurs 88 % des sans-abri. Et, dans un climat de concurrence accrue généré par le manque de structures d’accueil, ce sont encore elles qui sont les plus nombreuses à renoncer à appeler le 115 ou à ne se voir proposer aucune solution.

Camille Bauer
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