Ce n’est pas un poisson d’avril. Et pourtant, pour ceux qui se battent pour la gestion publique de l’eau, c’est une victoire aussi inattendue qu’importante. Selon nos informations, l’usine de Valenton, le plus gros équipement du Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, passera en gestion directe au 1er avril. Autrement dit, en régie publique.
Cette décision fait suite à l'arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris suspendant le contrat que le Siiap avait passé avec Veolia l’été dernier. Comme Marianne l’avait révélé, le préfet d’Ile de France Michel Cadot soupçonne en effet de graves irrégularités dans la passation de ce contrat qui confiait cet imposant équipement en délégation de service public au groupe d’Antoine Frérot.
"Le Siaap a mobilisé, sous contrat Siaap, les agents compétents pour assurer la continuité du service public"
En attendant que l’affaire soit jugée sur le fond, la question de la continuité du service public se posait gravement, au Siaap comme au préfet : impossible de mettre en carafe le traitement des eaux usées de plusieurs millions de Franciliens ! Aussi, "la suspension du contrat liant le Siaap à Veolia par le TA ne va pas attenter à la continuité du service public. En effet, le Siaap a mobilisé, sous contrat Siaap, les agents compétents pour assurer la continuité du service public", nous a précisé la préfecture d’Ile-de-France.
Voilà qui ne fait ni fait pas les affaires de Veolia ni celles de Suez, les éternels concurrents dans les marchés de la flotte, habitués qu’ils sont à se partager le gâteau.
La teneur de l’émission "Cash Investigation" diffusée avant-hier soir sur France 2 appelle notre réaction. Depuis sa création, la CGT défend des valeurs fondamentales : elle milite pour une société démocratique et des idéaux de liberté, d’égalité, de justice. Le service public est au cœur de ces valeurs. Au SIAAP, plus de 1 700 agents ont choisi de le servir. Loin des sphères de décisions politiques, des intérêts privés, et des millions d’euros, c’est leur travail quotidien qui a construit et qui fait vivre le SIAAP. Suite à cette émission, c’est la fierté d’appartenir à notre institution qui peut s’en trouver écornée, entre doute, révolte contre la corruption, et déception.
Nous ne critiquerons pas les méthodes employées. Il est bien sûr évident que cette émission verse dans le journalisme sensationnel. La présentation, les musiques, les questions accusatrices, et les mises en scène théâtrales sont là pour provoquer l’émotion et faire le "buzz". Néanmoins la présence de multiples éléments précis et concordants, les témoignages, amènent le doute dans l’esprit des agents, des franciliens et des français.
Les pratiques des groupements industriels ont également été lourdement dénoncées : elles concernent aujourd’hui nos chantiers, et, si elles sont avérées, elles démontrent que ces entreprises défendent avant tout leurs intérêts économiques, au mépris des citoyens et des lois. Imaginons un instant que la gestion de l’épuration leur soit entièrement confiée : cela laisserait une porte ouverte à des dérives encore plus graves, et transformerait l’assainissement dont nous sommes fiers en machine à profit.
Face à cela, nous pensons que le mutisme du SIAAP ne peut faire que renforcer la suspicion. Il n’y a que deux réponses appropriées :
la transparence, la mise en œuvre concrète de mesures pour lutter contre la corruption, et la sanction contre ceux qui en sont les auteurs si les « pratiques » sont avérées.
un démenti et une attaque en diffamation contre Cash investigation si les « pratiques » ne sont pas avérées.
Les agents veulent, doivent savoir et nous attendons du SIAAP une véritable démarche en ce sens.
Conforté par le jugement de la cour administrative d’appel de Paris du 13.03.2018, suspendant la mise en place de la SEMOP voulue par le SIAAP, la CGT réitère son exigence pour la reprise en régie directe de l’usine de Valenton.
Seul le service public en régie directe est le rempart contre ce libéralisme sauvage.
La CGT SAIVP SIAAP.
Paris le 15 mars 2018