L'intégration d'Argenteuil à la métropole du Grand Paris et au territoire de la Boucle nord de la Seine inquiète vivement les maires de ce périmètre. Ils redoutent de se voir ainsi imposer des compétences qu'ils ne veulent pas exercer et redoutent les conséquences de l'intégration d'Argenteuil sur leurs finances.
Le 1er janvier 2016, la commune d’Argenteuil, actuellement membre de la communauté d’agglomération d’Argenteuil-Bezons dans le Val d’Oise, intègre la métropole du Grand Paris ainsi que le territoire de la boucle nord de la Seine, alias le T5 (Argenteuil, Asnières-sur-Seine, Bois-Colombes, Clichy-la-Garenne, Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne).
Il s’agit d’un cas particulier à plus d’un titre. D’une part parce qu’Argenteuil constitue la seule commune du Grand Paris, avec les villes de la communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne (Calpe), à ne pas être située en petite couronne. Mais d’autre part et surtout, parce qu’Argenteuil appartient aujourd’hui à la communauté d’agglomération d’Argenteuil-Bezons, qui n’intègre pas dans sa totalité le territoire qui la remplace au 1er janvier 2016. Cette dernière doit donc être dissoute, ses compétences et ses personnels répartis entre les nouvelles collectivités qui naîtront dans quelques jours.
Des finances calamiteuses
A cela s’ajoute la situation financière calamiteuse d’Argenteuil, dont le maire précédent a fait exploser l’endettement, recrutant et investissant sans compter. « Sans un plan d’économie d’un à deux millions d’euros, le déficit de l’établissement public territorial (EPT) de la boucle nord de la Seine s’élèvera au minimum à tois millions d’euros en 2016, qui progressera mécaniquement à 5,4 millions d’euros en 2019 », fait valoir le maire de Gennevilliers Patrice Leclerc, dans une lettre récemment adressée au préfet de région.
« Les ressources d’Argenteuil ne seront pas pénalisées par son intégration au territoire T5, Argenteuil percevant en 2016 « une attribution de compensation égale à celle de l’année précédente », lui répond la préfecture. Par ailleurs, la commune « apportera à l’EPT le montant de dotation d’intercommunalité qu’elle percevait », souligne Jean-François Carenco dans sa réponse au maire de Gennevilliers.
La crainte de compétences imposées
Mais, à quelques jours de la naissance de la métropole du Grand Paris et de ses territoires, l’inquiétude des maires du territoire de la boucle nord de la Seine ne se limite pas à des questions strictement financières. Ces derniers s’inquiètent de la perspective de devoir exercer, de facto, l’ensemble des compétences qu’assumait jusqu’à présent la communauté d’agglomération d’Argenteuil-Bezons, qu’elles soit obligatoires ou facultatives. Une contrainte qui ne s’exercerait que sur le périmètre d’Argenteuil, mais qui serait lourd de conséquences. « Cette situation emporterait le transfert de près de 400 agents à l’EPT, avec la nécessité pour lui de mettre en place une organisation administrative adéquate dès le 1er janvier 2016 », s’alarment les six maires concernés (*) dans une lettre au préfet datée du 8 décembre 2015.
« Le problème se pose particulièrement pour la question des voiries, souligne Patrice Leclerc. A ce stade de la création intercommunale, aucune ville n’avait envisagé le transfert de cette compétence qui concerne un nombre très important d’agents (une centaine rien que pour Argenteuil) et contrats. »
Ce que prévoit la loi NOTRe
La loi NOTRe prévoit, en effet, que les territoires qui vont naître dans quelques jours exerceront les compétences optionnelles exercées jusqu’à présent par les communautés d’agglomération existantes dans leur périmètre. Il s’agit, notamment, d’assurer la continuité du service public et la gestion des personnels correspondant. Cette obligation faite aux territoires d’exercer les compétences qu’assumaient jusqu’à présent les communautés d’agglomération peut être défaite par un commun accord de l’exécutif territorial. Mais les maires concernés doutent de la faisabilité d’un retour en arrière.
Il faut se rappeler, en l’occurrence, que la loi distingue trois types de compétences exercées par les EPT :
- celles qui sont obligatoires et doivent être exercées dans leur intégralité par l’intercommunalité : il s’agit de la politique de la ville, des équipements culturels, de la gestion des déchets et de l’assainissement des eaux usées et pluviales ;
- celles qui sont obligatoires mais peuvent être partagées en fonction d’un curseur fixé par les EPT dans les deux ans qui suivent sa naissance : il s’agit des équipements culturels et sportifs ou de l’action sociale
- celles qui sont facultatives et que l’EPT peut exercer ou non en fonction de ce qu’en décide l’exécutif (voirie, espaces verts).
Dans le cas d’espèce, les six communes demandent que l’Etat ne considère pas Argenteuil comme une commune membre d’une communauté d’agglomération mais comme une commune isolée, ce qui éviterait, selon eux, de devoir transférer les compétences qu’exerçait Argenteuil-Bezons à l’EPT de la Boucle Nord de la Seine. Pour l’heure, le préfet, s’y refuse donc. Enfin, il est à noter que les maires de ce territoire, qui sera présidé en 2016 par Nicole Goueta, maire de Colombes, puis en fonction d’une présidence annuelle tournante, ont récemment adopté le refus d’attribuer des indemnités aux élus de l’EPT, seul le président étant rémunéré à ce titre.
* La lettre est signée de Manuel Aeschlimann, (Asnières-sur-Seine), Yves Révillon (Bois-Colombes), Rémy Muzeau (Clichy-la-Garenne), Nicole Goueta (Colombes), Patrice Leclerc (Gennevilliers) et Alain-Bernard Boulanger (Villeneuve-la-Garenne).