«La hausse de l’offre de logements», surprise du sommet social, autrement dit de la rencontre entre les leaders syndicaux et le président de la République ce mercredi à l’Elysée. «Il manque des logements en France, et la hausse de leur prix au cours des dernières années a été considérable», a admis mercredi Nicolas Sarkozy lors de son discours introductif et promettant de «favoriser la production de logements en France, avec des leviers nouveaux». Lors de son bref discours de clôture, il a été encore plus précis: «D'ici la fin de ce mois nous prendront des mesures extrêmement puissantes pour doper l'offre de logement».
Une demie-surprise, en fait, car le gouvernement avait préparé le terrain. Cette annonce a été faite dès mardi aux députés UMP par François Fillon. Dimanche, sur RCJ (Radio communauté juive) le secrétaire d’Etat au logement Benoist Apparu, avait déjà laissé entendre que Nicolas Sarkozy, prendrait des «initiatives fortes» et ferait «un certain nombre d’annonces […] dans les semaines à venir» sur ce sujet.
Libération s’est procuré un document préparatoire à «une réunion autour du président de la République sur le thème du logement» qui s'est tenue le 13 janvier (voir le document plus bas). Il montre que ça cogite dans les sphères du pouvoir sur cette question majeure pour la vie quotidienne des Français. L’élection présidentielle pourrait se jouer en partie sur thème de l'habitat, auquel les Français consacrent en moyenne un quart de leurs revenus.
L’exaspération monte face aux tarifs de l’immobilier et des loyers dans les zones ou sévit la pénurie: Paris Ile-de-France, Côte d’Azur, Côte Basque, Genevois français, grandes métropoles régionales.
A gauche, François Hollande propose un encadrement des loyers et la construction de 500 000 logements/an, dont 150 000 sociaux pour calmer la fièvre des prix. Des propositions plébiscitées dans les sondages: 86% des Français se disent favorables à l'idée d'encadrer les loyers selon un sondage BVA pour "20 minutes" publié en avril 2011, lorsque le PS avait dévoilé son projet. Sur le sujet la gauche a incontestablement marqué des points.
Le candidat-non déclaré Nicolas Sarkozy ne pouvait laisser plus longtemps la main au PS sur une question qui trouve un écho aussi important dans l'opinion. Sous couvert de sommet social, il est monté au front à son tour. Le document destiné à la réunion élyséenne préconise «de maintenir durablement une production supérieure à 400 000 logements par an» pour faire face aux besoins du pays.
Pour y parvenir plusieurs mesures d’ordre technique sont envisagées: accélérer la libération de terrains à bâtir en Ile-de-France, majorer la densité des constructions dans les zones tendues, encourager financièrement les maires bâtisseurs, durcir la fiscalité à l’encontre des propriétaires qui font de la rétention foncière…
Des mesures peu vendables sur les plateaux télé. La droite est obligée de se décarcasser pour trouver une ou deux mesures "grand public" qui feront vibrer dans les meetings.
Le document préparatoire à la réunion de l'Elysée envisage la création d’un bail «gagnant-gagnant»: les locataires accepteraient un statut plus précaire, moins de protections en échange de loyers minorés. Les associations de locataires parlent déjà de "baux au rabais". D'autres affirment que "c'est le CPE appliqué au logement".
Le document révèle également que Nicolas Sarkozy, va faire de la vente des logements HLM, un grand axe de sa campagne. Les locataires bénéficieraient d'une sorte de droit à l’achat de leur HLM comme l’avait fait jadis Margaret Thatcher en Grande-Bretagne. Le produit de la vente servirait à financer la construction de nouveaux logements sociaux. Ce qui permettrait à l'Etat de se désengager du financement du logement social. Habile.
Mais pas sûr que ça prenne. L'opinion risque d'être méfiante. Si elle n’était pas cadrée, une telle mesure aboutirait à la disparition pure et simple du logement social dans les centres-villes et les quartiers les plus agréables. Les occupants déjà en place se porteraient tous acquéreurs au vu des énormes perspectives de plus values à moyen-long terme. Un tel mouvement parachèverait la gentryfication déjà à l'oeuvre dans les grandes villes, car il serait impossible de reconstituer une offre locative sociale notamment dans les zones centrales, où il ne reste presque plus de terrains à bâtir. Et les HML restants seraient relégués dans les banlieues populaires.
Voir le document :