Le conseil d’administration de l’office public de l’habitat (OPH), qui devait voter une augmentation de loyer de 3,5 %, mardi, a été reporté au 31 octobre. Des locataires ont manifesté mardi contre cette deuxième hausse en deux ans et menacent de faire la « grève des loyers », sur fond de projet de renouvellement urbain.
Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 10 octobre. Les locataires ont manifesté leurs inquiétudes face à la nouvelle hausse annoncée pour 2024. DR
« Nous avons demandé des explications par mail, mais nous n’avons pas eu de réponses. C’est le silence radio. » Fatouma Camara, représentante de l’association Alliance citoyenne, très mobilisée en faveur de la défense des intérêts des locataires de l’office public de l’habitat (OPH) d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), est en colère.
La militante ignore tout de l’existence du mystérieux « protocole NPNRU (Nouveau programme national de renouvellement urbain) » que le bailleur « a signé en juin 2023 ». Lié à la future opération de rénovation urbaine lancée sur la commune, ce « protocole » est l’un des deux éléments présentés par l’office HLM, pour justifier une nouvelle augmentation de loyers de 3,5 % à partir du 1er janvier 2024.
Les clarifications auraient pu tomber ce mardi soir, de vive voix, par la direction de l’office, dans le cadre du conseil d’administration qui devait se réunir et voter, entre autres, cette mesure. C’était sans compter sur l’envoi de courriers de convocation trop tardif, sous le délai légal des dix jours, qui a eu pour conséquence de chambouler le calendrier. La séance a dû être reportée au 31 octobre prochain.
Pour le redressement financier de l’office…
Dans l’ordre du jour, deux informations sont données pour éclairer cette deuxième hausse consécutive en deux ans. La première concerne le protocole d’aide signé, pour la période 2019-2023, entre l’OPH et la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), pour le redressement financier de l’office. En contrepartie d’un accompagnement de l’État, l’office doit procéder à des augmentations à l’indice de référence des loyers (IRL).
C’est ce qui s’était déjà passé l’année dernière, où une première hausse de 3,5 % avait été votée en novembre 2022, provoquant à l’époque une manifestation de mécontentement des résidents. Un nouveau rassemblement s’est déroulé mardi, en fin d’après-midi, sous les fenêtres de l’OPH, avec des locataires venus signifier leur ras-le-bol, soutenus par Alliance citoyenne, la confédération syndicale des familles, le PCF et LFI.
… et dans le cadre d’un programme de rénovation urbaine
Reste la deuxième raison écrite par l’administration de l’office, dans la présentation de l’augmentation de loyer pour 2024 : « En second lieu, le protocole NPNRU, que l’OPH d’Aubervilliers a signé en juin 2023, promet dans ses annexes une augmentation des loyers à l’IRL sur toute la période NPNRU. Par ailleurs, l’indice de référence des loyers du 2e trimestre de l’année 2023, qui sert de valeur référence pour les augmentations de loyer, est de + 3,50 %. »
Que faut-il comprendre concrètement ? La ville d’Aubervilliers (la maire UDI, Karine Franclet, est présidente de l’OPH), que nous avons jointe, indique « ne pas avoir plus d’éléments », en renvoyant à la date du 31 octobre. Quant à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), que nous avons également contactée à ce sujet, elle précise et répète qu’il y a juste un « protocole entre l’OPH d’Aubervilliers et la CGLLS mais pas avec l’Anru ».
En off, des spécialistes des opérations de renouvellement urbain évoquent un probable « abus de langage » dans la rédaction du point sur l’augmentation des loyers et que l’office pourrait faire référence à des simulations financières accompagnant le projet NPNRU.
« Vous imaginez une hausse de 3,5 % chaque année ? »
C’est effectivement le cas. Si ces projections ne font actuellement l’objet d’aucun accord formel, elles sont néanmoins d’intéressants indicateurs.
« Je rappelle juste aux membres du conseil d’administration que dans la maquette financière et la soutenabilité économique pour l’office du projet NPNRU, on n’a pas prévu de décrochage des loyers par rapport aux index, explique ce mercredi après-midi, Jean-Baptiste Paturet, directeur général de l’OPH d’Aubervilliers. Je donne une information sur des orientations financières posées avec l’État, en termes d’évolution de la structure. Ensuite, les politiques sont grands, ils prennent les décisions. »
Si le conseil d’administration vote en faveur d’un décrochage des loyers par rapport aux indices (autrement dit, pas de révision à la hausse dans ce contexte inflationniste), « ça voudra dire qu’il faudra qu’on recherche des ressources pour faire face à la décision », ajoute Jean-Baptiste Paturet.
« Une opération Anru porte sur dix ou quinze ans, vous imaginez une hausse de 3,5 % chaque année ?, s’alarme Fatouma Camara, qui siège au conseil d’administration. C’est chasser officiellement les classes populaires et faire venir les classes les plus riches au nom de la gentrification. » Alliance citoyenne et des locataires menacent de lancer une grève des loyers.
Ces hypothèses d’augmentations répétées angoissent Aline, aide-soignante à mi-temps, pour des raisons de santé. « Je supporte, depuis cette année, une hausse de 40 euros par mois sur mon loyer, détaille cette maman d’un adolescent et d’un jeune adulte qui habitent encore chez elle. Je ne vois pas comment je vais faire pour en supporter de nouvelles. On se serre la ceinture. Je connais des gens qui ont des dettes de loyers, comment vont-ils s’en sortir ? J’ai un sentiment d’injustice. »