L’Ancols pointe de nombreuses irrégularités commises par le bailleur dans le Val-d’Oise entre 2016 et 2020. L’Agence pointe notamment un nombre trop important d’appartements vides et une gestion défaillante.
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Argenteuil, mardi 29 août. AB habitat a acheté la cité du Château 7,2 millions d’euros en 2016. Sa valeur a perdu 4,2 millions d’euros deux ans plus tard quand sa démolition a été décidée. Il a aussi fallu aussi intégrer le coût de sa démolition pour 3,2 millions d’euros. LP/T.C.
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Le 6 septembre 2023 à 13h00
« Putain c’qu’il est blême, mon HLM », chantait Renaud. La crise traversée par le bailleur social AB habitat, qui gère plusieurs milliers de logements sociaux à Argenteuil et Bezons, est aujourd’hui documentée par une autorité indépendante. L’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) a rendu son rapport sur la période 2016-2020 cet été, mettant en évidence de graves irrégularités.
Les plus grosses erreurs commises par les dirigeants commencent en 2018. C’est en novembre de cette année-là que la loi Elan est adoptée. Elle impose aux bailleurs sociaux de se regrouper pour atteindre au moins 12 000 logements. Tenant à conserver son indépendance, AB Habitat, qui compte 11 200 logements, se lance dans une politique d’acquisitions.
Des achats d’appartements inconsidérés ?
« Leur seule préoccupation, c’étaient les 12 000 logements quoi qu’il en coûte, et peu importe comment », déplore Nessrine Menhaouara (PS), élue présidente d’AB habitat en octobre 2021 (son prédécesseur, le communiste Dominique Lesparre, n’a pas souhaité nous répondre). Entre 2018 et 2021, le bailleur social achète auprès d’autres organismes 765 logements pour un montant de 88 millions d’euros. « Ces rachats de patrimoine ont été réalisés sans étude technique préalable et sans équilibre prévisionnel d’exploitation », relève l’Ancols.
François Perrier, directeur général d’AB habitat depuis février 2022, estime que ces logements ont été achetés à un prix supérieur à leur valeur. « On s’est retrouvé avec des logements qui étaient en bout de course », décrit-il. Les études qui auraient dû permettre d’intégrer le coût de leur rénovation dans le prix d’achat n’ont pas été effectuées. « Remettre un billet dessus aujourd’hui, pour nous, c’est compliqué », confie-t-il. « Il fallait agir dans un laps de temps très court pour répondre à la commande du conseil d’administration », justifie Salah Lounici, directeur général de février 2018 à avril 2022.
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Ces achats réalisés ont eu un effet catastrophique sur la trésorerie : - 5,7 millions d’euros fin 2019 puis - 3,7 millions d’euros fin 2020. AB Habitat aurait dû financer ces acquisitions grâce à des prêts qui n’ont pas été sollicités, plutôt que de les réaliser sur ses propres deniers. Salah Lounici explique que les emprunts n‘ont pas pu être contractés car il fallait que les communes d’Argenteuil et de Bezons s’en portent garants. « Ces garanties n’ont pas été votées dans les délais demandés par AB habitat », assure-t-il.
La gestion a été défaillante mais son conseil d’administration n’a également pas joué son rôle, selon l’Ancols. Les informations transmises aux administrateurs pour valider les achats d’appartements « ont été particulièrement lacunaires ». « Elles se sont limitées à l’adresse du programme, au nombre de logements et au prix d’achat, indique l’Ancols. Malgré l’absence de plan de financement, d’étude technique et d’équilibre d’exploitation, les administrateurs ont validé à l’unanimité chacune de ces opérations. »
De mauvais choix stratégiques
L’acquisition de la cité du Château en 2016 pour 7,2 millions d’euros en est un exemple. AB Habitat prévoyait de réhabiliter cette résidence de 108 logements et six commerces. Deux ans plus tard, AB Habitat, la ville d’Argenteuil et l’État décident de la démolir. « Le conseil d’administration a été informé de cette décision le 7 mai 2019, sans toutefois qu’aucun bilan financier ne lui soit présenté », indique l’Ancols. La valeur de ce bien perd alors 4,2 millions d’euros. Il faut désormais y intégrer le coût de sa démolition pour 3,2 millions d’euros. En intégrant tous les frais, François Perrier estime que la facture se chiffre pour le moment à 13,5 millions d’euros.
L’Ancols a également découvert de graves problèmes dans le fonctionnement interne d’AB habitat. Le plus flagrant concerne les logements inoccupés. « Pointé comme anormalement élevé dans le précédent rapport, le taux de vacance des logements s’est réduit entre 2016 et 2018, puis a très fortement augmenté à partir de 2020 pour atteindre plus de 8 % à la fin du mois de mars 2022 », souligne l’Ancols. En 2021, ces presque 900 logements inoccupés ont entraîné 5,4 millions d’euros de loyers non perçus. L’Ancols explique cette anomalie en partie par une défaillance dans le processus de remise en location des logements libérés.
Les loyers en hausse de 10 % dans deux cités
Nessrine Menhaouara souligne que ces logements vacants ont fait l’objet d’un plan d’urgence à son arrivée. 500 millions d’euros ont été consacrés à rénover les appartements qui ne pouvaient être loués en l’état. François Perrier souligne qu’au 31 août 2023, le taux de vacance a été ramené à 2,79 %.
La nouvelle direction a établi un nouveau plan pour rénover les résidences qui ont le plus besoin de travaux, alors que ces investissements ont été mis entre parenthèses pendant des années. « Maintenant, il va falloir les financer », souligne Nessrine Menhaouara. À la cité Champagne, à Argenteuil, comme à celle d’Auguste-Delaune à Bezons, ce sont les locataires qui sont mis à contribution, via une hausse de loyers de 10 %. « Dans la conjoncture actuelle, c’est impossible de payer », témoigne une habitante.