La priorité de la mairie de Paris, qui se félicite d’avoir déjà obtenu «des résultats incontestables», est de faire mieux respecter ce dispositif. Ian Brossat, l’adjoint (PCF) au logement d’Anne Hidalgo, avertit que des contrôles auront lieu pour débusquer les annonces illégales.
Louer à Paris peut revenir très cher. La Ville compte veiller au respect de l’encadrement des loyers dans la capitale. LP/Arnaud Journois
Un appartement meublé de 34 mètres carrés dans le 3e arrondissement de Paris proposé à la location à 1650 euros sur le site Particulier à Particulier! Les annonces affichant des loyers exorbitants sont encore légion sur les plates-formes spécialisées et dans les vitrines des agences immobilières. Dix-huit mois après la restauration de l'encadrement des loyers dans la capitale, la mairie de Paris a décidé de passer à l'offensive pour mieux faire appliquer le dispositif. Ian Brossat, adjoint (PCF) au logement, nous dévoile son plan.
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« La mesure a produit des résultats incontestables. Mais les abus sont encore trop nombreux. Nous allons prendre des décisions pour que l'encadrement des loyers soit mieux respecté », annonce l'adjoint d'Anne Hidalgo (PS).
En vigueur dans la capitale entre 2015 et 2017 avant d'être annulé par la justice, le dispositif emblématique avait entraîné une stabilisation des loyers du secteur privé après dix ans de hausse. Depuis le 1er juillet 2019, l'encadrement est à nouveau expérimenté pour cinq ans. Et sur les six premiers mois d'application, les loyers fixés par les nouveaux baux ont baissé de 2,6 %.
Les loueurs grisés par la clientèle étrangère
Face à la crise sanitaire, économique et sociale, la Ville veut renforcer le dispositif. A Paris, le budget logement est lourd et les classes moyennes (40 % sont locataires du secteur privé) ont tendance à quitter la capitale pour améliorer leur pouvoir d'achat. Autre sujet d'inquiétude : faute de clientèle étrangère, de nombreux meublés touristiques (principalement des F2 et F3) sont de nouveau loués à des Parisiens. « Leurs propriétaires qui s'étaient habitués à des niveaux de rentabilité très élevés exigent des loyers supérieurs aux montants fixés par le dispositif », déplore l'élu, bien décidé à « faire respecter la loi » dans un contexte de crise.
La mesure la plus emblématique du plan est le renforcement des contrôles. « Cette responsabilité relevant de l'Etat, j'ai saisi la ministre du Logement qui m'a assuré qu'elle y était favorable », confie Ian Brossat. Il a réuni mercredi 13 janvier les services de la préfecture de région, les responsables des plates-formes (Se Loger, PAP et Leboncoin) et les réseaux d'agences (Century 21, FNAIM…) pour présenter la mesure.
Des contrôles aléatoires des annonces
A partir du mois de février et jusqu'en juin, la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sera chargée d'organiser des contrôles aléatoires des annonces pour vérifier que les agences immobilières et les plates-formes respectent bien l'encadrement des loyers.
« L'arrêté du 10 janvier 2017 contraint les agences immobilières à mentionner sur leurs annonces que le dépassement de loyer est lié à un complément de loyer justifié par des caractéristiques exceptionnelles, comme une grande terrasse ou une vue sur la tour Eiffel. Elles ne peuvent pas se soustraire à cette obligation », rappelle Ian Brossat. Le complément de loyer ne peut pas excéder 20 % du seuil fixé par le montant de référence.
Un logiciel pour traquer les contrevenants
Contrairement aux professionnels, les particuliers, eux, ne sont pas soumis à cette réglementation mais ont obligation de respecter l'encadrement des loyers. Ce qu'ils ne font pas toujours… Alors, pour débusquer les annonces illégales sur les plates-formes, la Ville va créer d'ici le mois de juin un outil informatique, en collaboration avec les services de l'Etat et les acteurs du secteur.
« Lorsqu'un propriétaire mettra une annonce en ligne, cet outil permettra de vérifier au moment du dépôt qu'elle est bien conforme aux valeurs de référence. Dans le cas contraire, le loueur sera alerté automatiquement », détaille l'adjoint au logement, qui plaide en faveur d'une décentralisation du contrôle de l'encadrement des loyers et des sanctions.
La municipalité prévoit également de se doter dans le courant du premier trimestre d'un baromètre pour mesurer le taux de conformité des annonces publiées par les agences immobilières et les plates-formes numériques. « Cet outil permettra de vérifier que le dispositif est bien appliqué et de créer une émulation entre les acteurs de l'immobilier », indique Ian Brossat, qui a bon espoir que l'expérimentation de l'encadrement des loyers soit prolongée jusqu'en 2026.
«Ce plan est un coup d'épée dans l'eau»
Ce plan laisse dubitatifs les professionnels de l'immobilier. Favorable aux mesures présentées par la municipalité, Emilie Hassler-Jousset, présidente de l'Union des syndicats de l'Immobilier Ile-de-France, craint cependant que ce dispositif soit voué à l'échec. « A Paris, bien que l'offre ait augmenté avec la crise, les annonces ne restent pas très longtemps en vitrine. Il n'y aura jamais assez d'inspecteurs de la DGCCRF pour effectuer des contrôles massifs et rapides. Ce plan est un coup d'épée dans l'eau », critique la représentante de l'UNIS. « Les agences immobilières respectent globalement l'encadrement des loyers mais les particuliers, eux, ne jouent pas toujours le jeu. Seuls les locataires peuvent faire un recours contre leur bailleur si leur loyer est exorbitant. » Emilie Hassler-Jousset regrette que « les critères justifiant un complément de loyer ne soient pas objectifs » et estime que « seules des mesures coercitives permettraient de limiter les abus ».
Brice Moyse, à la tête de cinq agences Immopolis dans le 18e et d'un cabinet de gestion locative, souligne que ces mesures risquent de décourager les propriétaires. « L'encadrement des loyers a modifié les plans de financement des investisseurs en faisant baisser leurs recettes locatives et certains font le choix de revendre leur bien, ce qui peut aggraver la pénurie de l'offre. Les bailleurs seraient plus enclins à respecter l'encadrement des loyers si le découpage des secteurs était revu car il n'est pas normal par exemple que les loyers rue Junot (NDLR : secteur très chic de la butte Montmartre) soient au même niveau que ceux de la porte de Clignancourt. »