Deux décrets publiés au JO du 7 mai 2017 modifient le champ d’application territoriale de l’article 55 de la loi SRU tel qu'il a été adopté dans la loi Egalité et Citoyenneté. Un décret "chapeau" crée un indicateur unique mesurant le taux de pression sur la demande de logements sociaux ; il permet de déterminer les obligations SRU des communes. L'"exonération" de produire du logement social supplémentaire est constatée lorsque ce ratio est supérieur à une valeur fixée dans le second décret. Ce second décret, dit "décret liste", liste en annexe les agglomérations et EPCI "SRU" dont les communes sont soumises à une obligation de 20% de logements locatifs sociaux (de même que pour les communes "isolées"), et les agglomérations de plus de 30.000 habitants non tendues dont les communes pourront prétendre à l’exemption SRU.
Après avoir fait, le 28 mars, l'objet d'un avis unanimement favorable au comité des finances publiques (voir notre article ci-dessous du 29 mars 2017), deux décrets du 5 mai 2017 précisent le champ d'application des dispositions de la loi SRU. Ces deux textes sont pris en application des articles 97 et 99 de la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 (voir notre article ci-dessous du 28 avril 2017). Ils mettent en œuvre deux des dispositions de ce texte portant sur l'aménagement de l'obligation de construction de 20% ou 25% de logements sociaux. A noter : l'un des décrets comporte également d'autres aménagements à la loi SRU, sur lesquels Localtis reviendra dans un article séparé.
Un dispositif de plus en plus complexe
Pour faire simple - si cela est encore possible dans une mise en œuvre de la loi SRU qui devient de plus en plus complexe -, on retiendra que les deux articles en question de la loi du 27 janvier 2017 et les deux décrets du 5 mai vont dans une double direction. D'une part, ils renforcent les obligations de communes dans lesquelles la demande en logement social est forte, mais où l'offre disponible est toujours insuffisante (et en tout cas inférieure aux obligations de la loi SRU). D'autre part, ils allègent les obligations des communes dans lesquelles la situation du marché du logement ne justifie pas le développement d'une offre locative sociale supplémentaire. En pratique, ces dispositions visent potentiellement les 2.000 communes concernées par l'application de la loi SRU.
Dans le nouveau dispositif, les "gagnants" sont les agglomérations ou EPCI à fiscalité propre pour lesquels un effort de production supplémentaire de logements locatifs sociaux n'est pas justifié. Ce cas de figure est fonction d'un ratio entre le nombre de demandes de logements locatifs sociaux et le nombre d'emménagements annuels (hors mutations internes) dans le parc locatif social des territoires concernés. Ce ratio est établi par extraction des données provenant du système national d'enregistrement et s'apprécie à l'échelle de l'ensemble des communes de l'agglomération ou des communes membres de l'EPCI.
Qui gagne et qui perd ?
L'"exonération" de produire du logement social supplémentaire est constatée lorsque ce ratio est supérieur à une valeur fixée dans le second décret du 5 mai 2017 (n°2017-840). Second décret qui liste toutes les collectivités concernées, avec indication de leur ratio. Selon les cas de figure, le "ratio seuil" fixé par ce décret est inférieur à 4 pour les communes appartenant à une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre avec un taux SRU de 20%. Il en est de même pour les agglomérations, sauf celles concernées par l'application de la taxe sur les logements vacants, pour laquelle la valeur du ratio est de 3.
La valeur du ratio est supérieure ou égale à 5 pour les communes de plus de 15.000 habitants dont le nombre d'habitants a crû dans des conditions et sur une durée fixées par décret et qui n'appartiennent pas à une agglomération ou à un EPCI à fiscalité propre de plus de 50.000 habitants comportant une commune de plus de 15.000 habitants, lorsque leur parc de logements existant justifie un effort de production pour répondre à la demande.
Enfin, les agglomérations de plus de 30.000 habitants au sein desquelles les communes sont susceptibles d'être exemptées ont un ratio entre le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social, inférieur à 2.
De Montceau-les-Mines à Monaco
Le décret n°2017-840 liste ensuite les collectivités concernées, classées par catégorie, ce qui permet à chacune d'elles de connaître sa situation. Pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 50.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15.000 habitants, les "ratios de tension" vont ainsi de 0,78 (CA Le Creusot-Montceau-les-Mines) à 3,94 (CA du Sud, à La Réunion).
Pour les unités urbaines de plus de 50.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15.000 habitants, les ratios vont de 0,81 (Châlons-en-Champagne) à 3,95 (Valence).
Enfin, les ratios de tension des agglomérations de plus de 30.000 habitants sont nettement plus dispersés. Ils vont en effet de 0,76 pour Montceau-les-Mines et Saint-Dizier à 13,54 pour Menton-Monaco (partie française). Parmi les villes présentant le ratio le plus élevé figurent notamment un grand nombre de villes du Sud - Marseille (7,0), Sète (7,03), Salon-de-Provence (7,11), Beaucaire (7,28), Montpellier (7,59), Lunel (7,74), Toulon (8,31), Fréjus (8,48) et Nice (9,91) -, des villes d'outre-mer - Cayenne (7,35), Sainte-Marie (7,62), Fort-de-France (9,70) et Saint-Laurent du Maroni (12,61) -, mais aussi Paris (7,98).
On peut d'ailleurs se demander si Paris et certaines autres grandes villes ne sont pas pénalisées par un "effet Gallimard" intrinsèque au mode de calcul choisi : tout écrivain en herbe commence par envoyer son manuscrit à Gallimard, avant de "se rabattre" sur des éditeurs moins prestigieux ; tout demandeur d'un logement social en cœur d'Ile-de-France commence par demander Paris tout en indiquant aussi, par réalisme, d'autres communes limitrophes supposées moins recherchées.