
Alors que la trêve hivernale commence jeudi, les tribunaux ont prononcé l’an dernier 3 016 décisions d’expulsion pour impayé de loyer dans le département. Autant de foyers qui se retrouvent endettés et souvent sans solution.
Une période de sursis va commencer pour de nombreux foyers en grandes difficultés. A partir de ce jeudi, la « trêve hivernale » sera déclarée. Toutes les expulsions locatives sans solution de relogement seront alors suspendues jusqu’au 31 mars prochain.
Un phénomène qui touche fortement le Val-d’Oise : en 2017, les tribunaux ont ainsi prononcé 3 016 décisions d’expulsion pour impayé de loyer dans le département (30 770 en Ile-de-France). Soit 16 pour 1 000 logements locatifs. C’est au-dessus de la moyenne francilienne. « Ce sont autant de foyers qui se retrouvent avec une dette, sans logement et souvent sans aucune solution », souligne Alexandre Pueyo, conseiller départemental et président de l’association départementale pour l’information sur le logement (Adil 95).
Face à cette situation, facteur d’exclusion et de rupture sociale, une charte de prévention des expulsions locatives du Val-d’Oise a été signée en juin. Objectif ? Favoriser la mobilisation des différents acteurs et dispositifs dès les premières difficultés de règlement. « C’est vraiment la clé, cela peut tout changer », poursuit l’Adil 95, qui se retrouve au cœur de la coordination.
Une vingtaine de signataires
« Il y a toujours eu des contacts, mais la charte est un engagement à développer ces relations », précise Nawal Benchenaa, directrice de l’Adil 95. Au total, cette charte pilotée par l’Etat et le département compte une vingtaine de signataires, parmi lesquels la caisse d’allocations familiales (CAF) et les centres communaux d’action sociale (CCAS).
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Quel rôle peut jouer l’Adil ? « Dans un conflit, l’association est neutre et gratuite. Elle offre des conseils aussi bien aux locataires qu’aux propriétaires, bailleurs sociaux et privés, car la procédure d’expulsion est un acte juridique et complexe », précise Alexandre Pueyo. Le temps d’exécution varie d’un an à plusieurs années parfois.
Agir avant qu’il ne soit trop tard
« Le problème est que quand les personnes viennent nous voir, elles sont souvent dans une situation déjà très grave, avec une dette importante et parfois un contact complètement rompu avec le bailleur. Et il est parfois trop tard alors que prise en amont, des solutions auraient pu être trouvées si la personne est de bonne foi et qu’elle montre qu’elle est mobilisée », explique l’Adil 95.
Tous les locataires ne savent pas, par exemple, qu’en cas d’impayés dus à un accident de la vie, il peut bénéficier du fonds de solidarité pour le logement (FSL) et donc d’un épurement de sa dette. De même, un locataire peut aussi, à tout moment d’une procédure, demander un délai auprès du juge de l’exécution. « Encore une fois, cela implique qu’ils viennent nous voir tôt et qu’ils se mobilisent pour défendre leur dossier, insiste l’élu. Dans tous les cas, il faut tout faire pour éviter les expulsions de bonne foi sans solution de relogement qui, selon moi, sont toujours un échec ».
« ELLE A VECU L’EXPULSION COMME UN TRAUMATISME »
« On s’est retrouvé à gérer une situation de crise. Il était trop tard quand nous l’avons su pour agir efficacement », regrette Antoine. Malgré tous ses efforts et les conseils trouvés auprès de l’Adil 95, cet homme n’a pas pu éviter que sa belle-mère, qui avait tu pendant longtemps ses difficultés, soit finalement expulsée de son logement il y a quelques semaines, juste avant la trêve hivernale.
« Je comprends la procédure et je ne nie pas sa responsabilité, car une sorte de déni s’était installé. Mais elle vivait dans cet appartement depuis près de trente ans. Elle l’a vécu comme un traumatisme », explique son gendre. Pour cette femme comme pour beaucoup, tout a basculé après une séparation. « Celle-ci s’est alors retrouvée à devoir assumer tout son loyer avec sa petite paye. Ce n’était pas possible pour elle, elle a toujours payé mais une partie seulement », précise Antoine. Les dettes se sont rapidement accumulées pour atteindre 12 000 €.
« Ça va vite car à un moment, la CAF se retire, les APL ne sont plus versées et la somme due augmente », souligne-t-il. Mais pour Antoine, si la procédure est « légitime et légale », elle devrait pour autant rester plus humaine. « J’ai eu du mal à récupérer ses affaires personnelles (papiers, examens médicaux…) après l’expulsion car la procédure est complexe et très contraignante. Ce n’est pas normal. J’ai eu le sentiment que le système écrase encore plus », estime-t-il.
Mais contrairement à d’autres, la sexagénaire a pu trouver un nouveau logement plus petit et moins cher grâce au réseau familial. « Sinon, sans quittance, je ne sais pas comment elle aurait fait. Elle se serait retrouvée au mieux dans un foyer, au pire à la rue. »*Le prénom a été changé