Parce que dès que l'on parle des quartiers et de leurs habitants les images sont tenaces, il est bon parfois se référer à la statistique. Deux études, l'une de l'observatoire national de la politique de la ville (ONPV/CGET), et l'autre de L'Insee, font parler les chiffres.
Comment vit-on dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Qui sont les 11 millions de locataires vivant dans un logement social : des privilégiés, des profiteurs, des assignés à résidence ? Deux études complémentaires appréhendent les conditions d'habitat des ménages les plus modestes, balayant pas mal d'idées reçues et en confortant d'autres.
L'une vient de l'observatoire national de la politique de la ville (ONPV) du commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et met l'accent sur les "Conditions de logement plus dégradées dans les quartiers prioritaires" en métropole et en outre-mer. Elle fait parler les chiffres de l'enquête nationale Logement 2013 de l'Insee. L'autre est un numéro d'Insee Première sur les "11 millions de personnes locataires d'un logement social" et s'appuie sur les fichiers Fideli 2016 et RPLS (Répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux).
Des appartements plus grands mais moins confortables
Bien que les logements collectifs soient en moyenne plus grands en quartier prioritaire (66 m2 contre 61 m2 dans les autres quartiers), les logements sont plus souvent surpeuplés, plus vétustes et cumulent plus de défauts graves de confort que ceux des autres quartiers des unités urbaines.
22% des ménages des quartiers prioritaires habitent un logement surpeuplé, contre 12% hors quartier prioritaire. C'est encore plus le cas dans le parc locatif libre, pour lequel 32% des logements sont surpeuplés en QPV, contre 20% dans les autres quartiers.
Le surpeuplement est particulièrement prégnant en Île-de-France, où il concerne un logement sur trois en quartier prioritaire, contre un sur cinq dans le reste des unités urbaines.
Les logements des quartiers prioritaires souffrent globalement des mêmes défauts graves de confort que les logements des autres quartiers des unités urbaines à deux exceptions : la façade principale de leur logement est plus souvent très dégradée, de même que leur installation électrique.
Dans les DOM, les défauts graves de confort du logement sont plus fréquents qu’en métropole.
Un taux d'effort de 30% (23% après le versement des aides au logement)
Les ménages des quartiers prioritaires consacrent une part plus importante de leur revenu au logement, et ce même si l’on tient compte des aides au logement dont ils sont le plus souvent bénéficiaires : malgré un coût du logement moindre en QPV, les revenus plus faibles des habitants engendrent un taux d’effort supérieur à celui des ménages des autres quartiers. Le taux d'effort est de 30%, contre 20% dans les autres quartiers. Une fois pris en compte les aides au logement, les taux d'effort se rapprochent : 23% pour les habitants des QPV, contre 19% pour les autres. Et cela, quel que soit le statut d'occupation. C'est particulièrement vrai pour les locataires en QPV, ceux du parc social fournissent un taux d'effort (avant aides au logement) de 32% et ceux locataires du parc privé de 38% dans le parc privé. Les taux d’effort nets, une fois les aides au logement déduites, sont alors inférieurs à 30% pour tous les locataires des QPV.
Un niveau de vie de 15.100 euros par an
L'Insee Première sur les locataires d'un logement social nous apprend qu'en 2016, le niveau de vie (1) médian des locataires du parc social s’élève à 15.100 euros par an, contre respectivement 17.900 euros et 23.300 euros pour les locataires du secteur libre et les propriétaires vivant en QPV (2). 85% des ménages résidant en logement social ont un niveau de vie inférieur au niveau de vie médian des occupants du secteur libre.
Dans le logement social, les situations de pauvreté sont ainsi plus fréquentes. Le taux de pauvreté y est de 35%, contre 23%pour les locataires du secteur libre et 7%pour les propriétaires occupants.
La publication de l'Insee nous apprend également que 3% des occupants du parc social font partie des 20% de personnes les plus aisées ! Et que "les deux tiers d’entre eux résident dans l’unité urbaine de Paris".
Moins surprenant, les familles monoparentales sont sur-représentées dans le parc social des QPV. Elles sont en proportion deux fois plus nombreuses que dans l’ensemble du parc occupé. En toute logique d'ailleurs, dans la mesure où elles sont prioritaires dans les critères d'attribution.
Près du quart (23%) des logements sociaux sont occupés par des couples avec enfants.
Les personnes vivant seules sont également un peu plus présentes dans le parc social (38% des habitants des logements sociaux, contre 35% dans l’ensemble du parc de logements). Plus de la moitié d’entre elles sont des femmes (60%) et les personnes de plus de 60 ans sont également très présentes (47%).
Envie de déménager
Selon l'Observatoire national de la politique de la ville, "si la part des ménages ayant emménagé récemment est semblable dans les QPV et les autres quartiers (10% des ménages ont emménagé il y a moins d’un an en QPV comme hors QPV), les motifs d’installation diffèrent". En effet, les ménages ayant emménagé en QPV l’ont fait principalement pour habiter un logement assez grand et conforme à leur composition familiale, alors que les ménages des autres quartiers citent plus fréquemment le rapprochement du lieu de travail ou d’études et la volonté d’accéder à la propriété. Une fois installés, les ménages des QPV sont souvent insatisfaits de leur quartier de résidence. Ils sont plus nombreux à vouloir quitter leur logement que les habitants des autres quartiers (respectivement 44% et 25% des ménages).
(1) Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation.
(2) En QPV, 68% des logements sont des logements sociaux (cette proportion s’élève à 71% en Île-de-France). Les propriétaires occupants et les locataires du secteur libre représentent, dans ces quartiers, respectivement 15% et 17% du parc occupé.