Un pari impossible ? 26 communes dans le Val-d’Oise sont encore en dessous de l’objectif fixé par la loi et les pénalités financières tombent, y compris pour ceux qui font beaucoup d’efforts.
Plus de vingt ans après les débuts de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain), de nombreuses communes n’arrivent toujours pas à atteindre le quota requis de logements sociaux sur leur territoire. D’après les derniers arrêtés publiés par la préfecture du Val-d’Oise, elles sont actuellement 26 à ne pas se plier aux obligations légales et donc à faire l’objet de sanctions financières.
Parmi les plus mauvais élèves, on retrouve le trio Auvers-sur-Oise, La Frette-sur-Seine, Montlignon, à la traîne depuis de longues années en matière de logements sociaux. Mais il n’y a pas que les plus réfractaires qui trinquent… Certaines communes ont beau se rapprocher de l’objectif des 25 %, elles paient cher pour les pourcentages qui leur manquent.
À L’Isle-Adam par exemple, on accueille avec une certaine amertume le montant de la sanction de 2022. Ces dernières années, « nous étions sous la barre des 20 000 euros annuels, rappelle le maire (LR) Sébastien Poniatowski. Nous étions en effet en avance sur notre plan triennal. » Cette nouvelle pénalité n’est pas une bonne nouvelle. Avec 20,05 % de logements sociaux, la commune estime qu’elle n’a pas à rougir de sa politique en matière de logements. « Si la loi Duflot n’avait pas relevé le quota de 20 à 25 % nous serions dans les clous, peste l’élu. Le dernier kilomètre va être difficile à atteindre car la loi SRU ne tient pas compte des spécificités locales. Nous sommes entre l’Oise et la forêt, se pose le problème de l’artificialisation des sols. »
L’Isle-Adam a encore quelques projets en cours de développement, en haut de la rue des Bonshommes et dans le quartier de Nogent pour approcher des 284 logements qui lui manquent. Mais la municipalité compte désormais surtout sur la requalification d’immeubles anciens. « J’ai lancé une étude en 2021 pour repérer les vacances, nous rentrons désormais dans la partie la plus difficile, il s’agit de convaincre les propriétaires d’immeubles vides de confier leur bien à des bailleurs. » En attendant, la commune va devoir se plier aux sanctions.
« 600 logements sociaux, cela veut dire en réalité construire 2 600 logements »
Tout comme Cormeilles-en-Parisis qui, malgré ses plus de 19 % de logements sociaux, va devoir débourser 165 620 euros. Si cette somme n’est pas une surprise pour la municipalité, habituée à mettre la main au portefeuille depuis des années, l’objectif des 25 % inquiète. « Nous étions à 12 % en 2008, là nous dépassons les 19 % mais nous arrivons à un palier, maintenant nous allons vraiment courir après le quota », craint le maire (LR) Yannick Boëdec.
La raison est simple, plus le nombre de logements en général augmente dans la ville, plus le nombre de résidences à caractère social à construire s’élève. « Même si j’avais d’un coup mes 636 logements manquants aujourd’hui, cela générerait un nouveau besoin de 210 unités. Et comme on ne fait pas plus de 30 % de social dans un projet immobilier, 600 logements sociaux cela veut dire en réalité construire 2 600 logements. Le prochain objectif est impossible à atteindre. Tant que la loi continue de raisonner en pourcentage, on n’y arrivera pas, c’est mathématique. Sauf à ne créer que du logement social exclusif, ce qui n’est pas souhaitable. »
À Mériel, la municipalité partage les mêmes inquiétudes. « Avec la mixité, ce ne sont pas 226 logements que nous devons faire mais bien plus, peste le maire (SE) Jérôme François. Nous avons la volonté de bien faire, mais nous n’avons pas la place de construire. Nous avons des zones inondables, d’autres naturelles et protégées. On nous dit de densifier les centres-villes, d’accord, mais personne ne veut d’une tour à Mériel ! Il y a une certaine hypocrisie dans le fait d’imposer tous ces logements sociaux : comment construire sur des terrains que nous n’avons pas ? » Jérôme François n’a qu’une crainte, que sa commune soit à nouveau « carencée » comme elle a pu l’être autrefois.
Des pénalités records pour Auvers, Enghien-les-Bains, Montmorency et Le Plessis-Bouchard
Lorsque la préfecture estime que les villes n’ont pas respecté leur engagement dans le cadre du plan triennal, des sanctions particulières sont prises et les pénalités peuvent être multipliées par cinq. Actuellement, quatre communes sont dites « carencées » dans le Val-d’Oise : Auvers, Enghien-les-Bains, Montmorency et Le Plessis-Bouchard. Ce sont elles qui écopent des pénalités records. Mais les arrêtés préfectoraux de carence n’ont pas encore été pris pour cette année, la liste pourrait donc être modifiée.
Cependant, même sans carence prononcée, le premier stade des pénalités peut déjà peser lourd dans certains budgets. Surtout quand on est une toute petite commune. Nesles-la-Vallée, 1 800 habitants, doit ainsi débourser 38 270 euros. « C’est énorme pour nous », confie le maire (SE) Christophe Buatois. « Il y a une contradiction entre la loi SRU et d’autres qui nous interdisent de consommer des terres agricoles. C’est le serpent qui se mord la queue. Pour nous qui sommes un village très rural, c’est difficile à vivre. »
Dès que la municipalité repère une « poche », de vieux bâtiments à rénover, elle s’en saisit. Mais les programmes ne dépassent jamais la dizaine de logements. « Nous sommes sur le point de réceptionner 11 logements rue Thiébault dans l’ancien garage. Nous faisons des petites opérations disséminées. » L’évolution même de l’urbanisme dans la commune complique les choses. « Aujourd’hui les gens qui ont des terrains assez grands font des divisions. À chaque fois qu’une parcelle est divisée en quatre, il nous faut refaire un logement social en plus. Cela aggrave notre situation. » Nesles-la-Vallée ne voit pas le bout du tunnel. « C’est la double peine, cela nous coûte de l’argent pour faire sortir ces logements de terre, et en plus nous avons des pénalités. Alors que même sans loi, on en ferait du logement social. Pour nos jeunes. »