Sur le constat, tout le monde est d’accord. Le droit au logement opposable (Dalo), créé en 2007, ne tient pas ses promesses. « L’effectivité de ce droit acquis réside dans la capacité de l’État à proposer rapidement une offre de logement ou de relogement adaptée aux besoins de ces ménages. Le bilan (…) n’est toujours pas à la hauteur de l’engagement », constate la Cour des comptes, dans un rapport publié le mardi 25 janvier.
Sur 333 724 ménages concernés par le dispositif entre 2008 et 2020, « 78 016, soit 23,4 % du total, n’avaient pas encore été relogés fin février 2021 ». Et seulement la moitié de ceux qui l’ont été se sont vu attribuer un logement dans les délais fixés par la loi. La situation est encore plus compliquée dans les métropoles, où la demande de logements abordables se heurte à l’insuffisance de l’offre. L’Île-de-France concentre ainsi 60 % des demandes de Dalo, mais n’en a satisfait que les deux tiers. Au fil des ans, la file d’attente des prioritaires s’allonge, à mesure que le nombre de ménages reconnus Dalo augmente, mais les solutions qui leur sont proposées diminuent.
Comment rendre ce dispositif effectif ? L’institution dresse une liste de solutions, dont certaines recoupent des revendications portées par les associations d’aide aux mal-logés. Dénonçant « la concentration excessive sur l’État de l’effort de relogement des ménages reconnus éligibles au Dalo », elle appelle bailleurs et collectivités à prendre leur part et à cesser d’utiliser des arguments de mixité sociale ou de non-adéquation des prix pour se dérober à leurs obligations.
« Le comportement des collectivités est un scandale, abonde Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre (FAP). Beaucoup continuent de refuser d’utiliser leurs contingents pour loger les publics prioritaires, alors que la loi leur impose de leur en réserver 25 %. » Sur ce point, le tableau publié par la Cour est accablant. En 2020, en Bretagne comme en Bourgogne-Franche-Comté, seulement trois ménages se sont vu attribuer une HLM…
Autre frein identifié, « l’augmentation du nombre des objectifs assignés aux acteurs locaux en matière d’attributions de logements sociaux (…) qui fait perdre au Dalo son caractère de priorité supérieure ». La Cour plaide donc pour « garantir la primauté du Dalo ». Un point, là encore, soutenu par les associations, qui constatent que la multiplication des publics définis comme prioritaires génère un brouillard propice à l’évitement.
Mais, en faisant de l’argument de la mixité un alibi pour ne pas loger un public stigmatisé, la Cour des comptes poursuit aussi un objectif idéologique. Comme elle l’a fait dans d’autres rapports, elle remet en question le caractère généraliste du logement social. Alors que, dans les métropoles, le HLM est souvent le seul moyen de se loger, y compris pour les classes moyennes, elle défend une « conception résiduelle » où il serait réservé aux plus pauvres. Cette posture lui permet d’éluder les besoins de production, au profit d’une simple réorganisation des attributions. Insuffisant pour Manuel Domergue : « S’il faut loger les plus fragiles en urgence, à long terme, il faut produire pour répondre à tous les besoins et ne pas s’occuper seulement des premiers sur la file d’attente. »