Ficher les opinions politiques, les appartenances syndicales, les antécédents psychiatriques et psychologiques… : c'est bien en France qu'une telle décision vient d'être prise. Vendredi 4 décembre, le gouvernement a étendu, avec trois décrets, le champ de plusieurs fichiers des services de renseignement. Il s'agit du fichier dit de « prévention des atteintes à la sécurité publique » (PASP) utilisé par le renseignement territorial, de celui dit de « gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique » (GIPASP) et de celui dit des « enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (EASO).
La création des deux premiers a fait suite à la suppression du fichier Edvige, créé en 2008, qui permettait de ficher les opinions politiques, syndicales ou religieuses : contraint par une large mobilisation des défenseurs des droits humains et de l'état de droit contre une telle dérive, le gouvernement l'avait alors supprimé mais avait mis en place quelques mois plus tard le PASP et le GIPASP, lesquels recensaient des informations sur des personnes dont l'activité aurait pu indiquer « qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique » mais n'étaient pas censés inclure les opinions des personnes fichées.
Ficher les opinions
Les décrets publiés ce 4 décembre étendent les informations sur les citoyen-ne-s aux « opinions politiques », « convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale » et contenir des informations relatives aux troubles psychiatriques et psychologiques, malgré le secret médical.
Les informations pourront aussi concerner les « habitudes de vie », un concept dont on a du mal à définir les limites. Elles pourront notamment être collectées sur les réseaux sociaux. Qui plus est, ces fichiers concerneront aussi les « personnes morales » (organisations, associations…)
Dérive autoritaire
Décidés à la suite de la présentation du nouveau schéma de maintien de l'ordre par le ministre de l'Intérieur, du vote par l'Assemblée nationale de la loi relative à la « sécurité globale » et avant la présentation en conseil des ministres le 9 décembre du projet de loi sur le séparatisme rebaptisé « Projet de loi confortant le respect des principes de la République », ces décrets représentent selon les défenseurs des droits un nouveau signe d'une politique autoritaire menaçant l'état de droit.
Mobilisations pour les libertés et l'état de droit
Pour la CGT, « il s'agit d'une nouvelle attaque en règle contre les libertés publiques notamment une atteinte à la liberté d'opinion et au droit au respect de la vie privée et, tout particulièrement, contre les libertés syndicales ».
Elle « a décidé de déposer, avec d'autres organisations, un recours devant le Conseil d'État afin d'obtenir l'annulation de ces décrets symboles d'un autoritarisme en marche ». Ainsi des recours déposés, par exemple, par la Quadrature du net, le syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France.
La CGT « appelle tous ses syndicats déjà largement impliqués dans la lutte contre la loi Sécurité globale à se mobiliser autour de cette question centrale des libertés syndicales »
Les mobilisations se poursuivent dans tout le pays pour les libertés.