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« De la marchandisation à la financiarisation de l’eau »
L’OPA de Veolia sur Suez démontre la nécessité d’une maîtrise publique de ce bien commun, de son utilisation à la gestion des cours d’eau et des flux.
CHRISTOPHE LIMEPrésident de France eau publique
France eau publique, que vous présidez, est un groupement de collectivités qui promeuvent la gestion publique de l’eau. Que vous inspire l’absorption de Suez par Veolia ?
CHRISTOPHE LIME Elle démontre que l’État n’a plus de prise sur ce genre d’entreprise dites publique. Elle met aussi en lumière un changement d’époque : nous passons de la marchandisation à la financiarisation de l’eau. Veolia compte céder les activités France de Suez à un fonds d’investissement qui n’a pas d’historique dans le secteur. Or, nous avons l’exemple de la Saur, qui a été vendue plusieurs fois ces quinze dernières années. Les contrats avec ces entreprises courent sur une douzaine d’années. Pour des collectivités, changer deux ou trois fois d’interlocurteur n’est pas acceptable.
Cette OPA va-t-elle avoir des conséquences sur les régies municipales ?
CHRISTOPHE LIME Elle montre en tout cas la nécessité d’une gestion publique de l’eau. Les bouleversements liés au réchauffement climatique, avec des sécheresses beaucoup plus longues touchant désormais toutes les régions, et des intempéries toujours plus violentes, rendent indispensable la maîtrise publique sur une ressource qui est un bien commun. L’eau potable, mais aussi l’assainissement et les compétences Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – NDLR) impliquent une vision à long terme des territoires. Donc, des politiques de longue durée, avec des investissements lourds sur les captages, ainsi qu’une gestion des équilibres des cours d’eau. La question du choix entre public ou privé est donc dépassée. Les opérateurs privés peuvent apporter leur expertise. Mais la maîtrise publique doit s’exercer.
Les collectivités en ont-elles les moyens ?
CHRISTOPHE LIME Le cœur de métier des Veolia et Suez demeure en France. Notre pays fait d’ailleurs figure d’exception puisque, partout ailleurs, l’eau est gérée par la sphère publique. Seuls les pays à qui on a imposé des mesures d’économies, comme la Grèce, ont dû céder la gestion de l’eau au privé. Face à cela, les coopérations public-public sont indispensables. Coopérations entre recherche publique et collectivités, pour répondre aux enjeux locaux de l’assainissement et de l’adduction. Coopérations entre communes car l’échelon communal a montré ses limites. Détenir une expertise implique une taille suffisante. Et des coopérations entre collectivités pour éviter les conflits d’usage qui vont s’exacerber.
Published by CGT Office Public AB-Habitat