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24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 17:39

 

A quelques mois des municipales 2020, Le Parisien analyse les enjeux de campagne. Cette semaine : le logement. A Argenteuil, où des milliers de demandes de HLM sont en attente, se pose aussi le problème de l’habitat insalubre.

 Argenteuil. Le quartier de la Porte Saint-Germain, promis à une opération de rénovation urbaine, concentre les pires problèmes de logement de la ville.

La crise du logement concerne pratiquement toute l'Ile-de-France, mais elle est particulièrement visible à Argenteuil. La ville compte 14 349 logements sociaux, mais aussi 9 050 demandes de HLM. Parmi elles, 2 300 concernent des locataires du parc social souhaitant changer de logement. Les demandeurs attendent en moyenne quatre ans avant que leur dossier aboutisse. Certains doivent parfois patienter jusqu'à… dix-sept ans.

« Dans le parc privé, les loyers sont chers : 15 euros/m² en moyenne, C'est difficile pour un smicard ou des jeunes de se loger à ce tarif. C'est pour ça quel la demande de logement social est élevée », estime Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l'association Droit au logement (DAL). Certaines familles s'adressent à des marchands de sommeil où s'accommodent d'un logement insalubre.

Le logement de fortune comme une solution de repli

C'est autour de la Porte Saint-Germain, dans le quartier du Val-Notre-Dame, qu'on trouve les situations les plus déplorables dans ce domaine. On y recense 2 000 logements insalubres. En prenant des petites allées on tombe sur ces logements qui n'en sont pas. Et pourtant, ils sont habités.

L'arrière du bâtiment est parcouru par un amas de câbles sortis de leur goulotte. Au rez-de-chaussée, une porte donne sur un palier qui donne sur trois logements reconnaissables aux trois boîtes aux lettres. « J'habite là, confie un automobiliste qui s'engage dans la ruelle. J'ai fait sept ans de demande de logement social. »

Il évoque les rats qui pullulent dans le quartier. Taille de son logement : 29 m². Il ne dira pas combien de personnes l'habitent ni combien il paye. Un peu plus loin, on arrive dans la cour sur un alignement de box. Les trois du fond ont été transformés en logement. Le toit en tôle est retenu par de pneus posés par-dessus.

«Quand la mairie rachète, elle ne loue pas. Résultat, c'est squatté»

Un projet de rénovation du quartier a été engagé en 2017. Plusieurs pâtés de maisons autour de la place du 11-Novembre doivent être démolis, pour laisser place à 448 logements et plus de 1 000 m 2 de commerces. Les pavillons sont progressivement préemptés et murés. La cité du Château, jadis symbole du mal-logement dans le quartier, a été en grande partie vidée et doit être démolie l'année prochaine.

Les commerçants se voient comme les oubliés de l'opération. « Ils sont en train de me tuer », s'époumone, Mohamed Masrar, qui tient la Pharmacie du Pont-Neuf. Avec le quartier qui se vide, il a perdu 40 % de son chiffre d'affaires depuis 2015. Il aimerait pouvoir vendre aux promoteurs qui l'ont déjà démarché, mais la mairie bloque selon lui la transaction. « Quand la mairie rachète, elle ne loue pas. Résultat, c'est squatté », déplore Mohamed, qui tient une épicerie.

Une situation favorisant la sous-location

La crise du logement mène à des situations tragiques. C'est le cas de famille de Radhia. Fin août 2018, elle sous-loue un appartement à une femme au 63, avenue Georges-Clemenceau, contrainte par l'urgence. La logeuse prétend qu'elle ne peut déclarer cette situation pour des motifs obscurs. Quelques semaines plus tard, Radhia apprend qu'il s'agit d'un HLM, appartenant à AB habitat.

Pour ce trois-pièces, elle paye 800 euros par mois et doit fournir trois loyers d'avance. Elle tente d'aller voir AB habitat pour expliquer sa situation, en décembre dernier. Le 26 octobre, la logeuse débarque en colère à l'appartement. Elle se plaint que ses allocations logements ne sont plus versées. La police arrive lors de la dispute et, selon Radhia, met à la porte la famille. Ils se retrouvent à dormir dans une voiture avec leur enfant qui doit subir une opération au cœur à l'hôpital Necker.

AB habitat confirme avoir eu connaissance de cette sous-location illégale en octobre dernier. « On a immédiatement engagé une procédure de résiliation du bail », indique ce dernier. Celui-ci s'élève à 486 euros. Il ne dispose en revanche d'aucune information sur l'expulsion. « Ce type de situation est formellement interdite et on ne laisse rien passer, assure AB habitat. Ça doit nous arriver au maximum de découvrir 5 ou 6 cas comme celui-ci par an. » Les services de la police nationale dans le Val-d'Oise démentent que leurs agents aient participé à une quelconque expulsion. « Nous sommes intervenus dans le cadre de violences et menaces de violence », indiquent-ils.

Les élus répondent

Le maire (LR) d’Argenteuil, Georges Mothron, candidat à sa succession, regrette de n’avoir pas pu construire davantage de logements durant ce mandat. Il indique que le nombre d’autorisations de construction a été de 2 500 entre 2011 et 2014, contre 1 500 sur les cinq dernières années.« Il fallait rétablir des équilibres en infrastructures scolaires, souligne-t-il. Dès 2014, il a fallu livrer 15 nouvelles classes. » Les deux secteurs où il est prévu de construire des logements sur celui de la Porte Saint-Germain, qui doit en accueillir 2 000 et le Croissant ferré, où il devrait y en avoir un peu plus de 1 000. « Sauf que ça ne va pas se faire demain », déplore-t-il. Dans le premier cas, les phases d’aménagement s’étendent jusqu’en 2022. Dans le deuxième cas, il faut attendre que le T11 soit prolongé jusqu’à la gare d’Argenteuil. Mieux vaut s’armer de patience.

« Depuis 1995, la ville a pris 20 000 habitants de plus, mais il n’y a pas davantage de logements sociaux », regrette l’ancien maire (PS), Philippe Doucet, lui aussi candidat en mars prochain. Il met à son crédit la création de la coopérative HLM d’AB habitat qui était destinée à fournir du logement en accession sociale à la propriété. « Il y a plein de gens qui ont les moyens de se loger en HLM mais pas forcément d’acheter une maison aux Coteaux », constate-t-il. Il indique que 500 logements de ce type ont été livrés jusqu’en 2012. « À Argenteuil, ça s’est arrêté, mais à Bezons ça a continué », souligne-t-il.

Pour lutter contre les marchands de sommeil, Philippe Doucet indique avoir mis en place une procédure qui consistait à préempter les logements achetés aux enchères, à bas prix par des propriétaires véreux. « Ces appartements étaient remis à neuf par AB habitat et revenus. Ça, Georges Mothron l’a arrêté », assure-t-il. Il cite également la cité du Château, achetée par la mairie à un marchand de sommeil. Il voulait la rénover mais son successeur a préféré la raser. Il mentionne également une résidence pour personnes âgées qui était désertée qu’il voulait transformer en logements étudiants mais qui n’a pas vu le jour.

Georges Mothron estime qu’il faut davantage développer les logements familiaux, de type T4 ou T5. « Il en manque dans le parc social comme dans le privé, souligne-t-il. On travaille avec AB habitat là-dessus. » En 2018, sur 187 attributions dans le contingent de la mairie, il n’y a eu que 31 T4 et 5 T5. Il a également travaillé avec le bailleur social pour mettre en place une bourse d’échange entre locataires au sein d’un même quartier.

Municipales à Argenteuil : la crise du logement, un fléau pour les plus modestes
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