Ce sont de mauvais élèves en matière de construction de logements sociaux. Ces communes ne font pas assez d’efforts ou ne construisent pas dans les bonnes catégories.
L’année commence mal pour treize communes* du Val-d’Oise. Elles viennent de prendre connaissance de l’arrêté préfectoral prononçant leur carence en matière de construction de logements sociaux, pour la période 2014-2016. Dans quelques semaines, le montant des amendes allant avec tombera et le préfet prendra la main sur le droit de préemption des villes. Toutes ces communes devront atteindre le taux de 25 % de logements sociaux en 2025. Et à ce stade, l’Etat estime qu’elles n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour y parvenir. Et pourtant, à la lecture du tableau, les situations de ces villes sont très différentes.
La Frette-sur-Seine va intenter un recours. La Frette-sur-Seine fait partie des villes régulièrement montrées du doigt pour leur faible taux de logements sociaux. Le montant de l’amende payée est monté jusqu’à 180 000 €. « On ne peut pas atteindre 25 % et tout le monde le sait, s’insurge le maire (SE), Maurice Chevigny. C’est aberrant. On veut bien faire des efforts, mais on ne veut pas pour autant dénaturer notre ville et faire n’importe quoi. » La municipalité a donc décidé d’intenter un recours gracieux auprès du préfet. Si celui-ci donne un avis négatif, la mairie devrait saisir le tribunal administratif.
Maurice Chevigny, le maire (SE) de La Frette-sur-Seine, lors de la pose de la première pierre d’une résidence de 43 logements sociaux. PL/A.B.
Puiseux-en-France écope d’un droit de préemption de la préfecture mais devrait échapper à l’amende. « Dans sa grande bonté, l’Etat nous a exemptés car nous avons donné un terrain d’un hectare, notre seul bien, pour réaliser un immeuble comptant des logements sociaux [NDLR : 73 au total, dont 31 en accession et 42 logements sociaux]. On espère, au vu de la valeur du terrain, que ce sera encore le cas cette année », explique le maire (SE) de la ville, Yves Murru. En 2015 et 2016, la municipalité a payé 57 000 et 47 000€. « Les seuls logements sociaux que l’on a réalisés, c’est quand la mairie s’est directement engagée avec le don de ce foncier. Mais aujourd’hui, nous en avons très peu à disposition. En revanche, dans le futur écoquartier, nous nous sommes engagés dès 2008 à en faire 30 %. Ce sont l’Etat et l’administration qui n’ont pas avancé dans cette construction, pas nous », précise l’édile.
LP/Infographie
À Saint-Witz, on est conscient du retard sur les objectifs. Malgré tout, la préfecture note un changement sur la période avec la prise en compte des 39 logements en construction actuellement dans le village, les premiers depuis les années 1980. « A cela va venir s’ajouter une cinquantaine de nouveaux logements sociaux et accessions à la propriété pour lequel le permis de construire va être déposé très prochainement. Tout cela nous permet d’être plus proches du plan de marche à respecter », affirme Joël Vanderstigel, conseiller municipal chargé du plan local d’urbanisme (PLU). La commune devrait cependant encore payer des pénalités. En 2017, celle-ci avait dû débourser 152 099 € pour ses retards.
Mais ce qui inquiète le plus la municipalité sont les menaces que fait planer cet arrêté. « On ne sait pas si la préfecture constate simplement ou peut déclencher tout l’arsenal dont elle dispose. Elle reprend entièrement la main sur l’attribution des logements sociaux. Ça, c’est très embêtant car cela intervient alors nous avons des demandes au sein de Saint-Witz et que l’on a réussi à faire admettre à la population des logements sociaux. Mais s’ils voient qu’ils n’y ont pas accès, ça ne va pas aller », s’inquiète l’élu.
A Auvers-sur-Oise (7 % de logements sociaux), même si le maire (DVD), Isabelle Mézières, se refuse à tout commentaire, l’arrêté préfectoral n’est pas vraiment une surprise. La préfecture avait en effet déjà déposé, en 2015, un recours gracieux auprès de la commune pour contester son PLU qui ne permettait pas « d’atteindre de manière réaliste, le nombre de logements locatifs sociaux requis par la loi » selon les agents de l’Etat.
* Auvers, Butry, Champagne, Deuil, Ezanville, Montlignon, Le Plessis-Bouchard, Puiseux-en-France, Saint-Leu, Saint-Prix, Saint-Witz et Taverny.
Taverny et Deuil-la-Barre ont rempli les objectifs… mais pas les bons
Le quartier de la Galathée, à Deuil-la-Barre. LP/M.P.
Les villes de Taverny et Deuil-la-Barre font figure d’exception dans la liste des treize communes du Val-d’Oise carencées. En effet, les deux communes ont réalisé le nombre de logements sociaux qui leur étaient imposé entre 2013 et 2016. La ville de Deuil-la-Barre devait en construire 198, elle en a fait 233. Taverny, qui devait en réaliser 81, en a bâti 245. Soit trois fois ce qui était demandé. Mais les deux villes sont pointées du doigt en raison de la typologie des logements construits. Il existe en effet trois catégories dans l’habitat social. La première est réservée aux personnes en situation de grande précarité. La deuxième est destinée aux classes moyennes, qui correspondent à 80 % des logements sociaux construits. Enfin, la troisième s’adresse aux ménages les plus « aisés » parmi ceux pouvant prétendre au logement social.
Deuil-la-Barre devait ainsi réaliser 30 % au moins de logements pour les plus démunis, et une part égale pour les plus aisés. Or, la ville en a construit respectivement 9,09 % et 78,28 %.
Taverny avait comme quotas : 30 % au moins de logements pour les plus démunis et 20 % au plus de logements pour les plus aisés. Le bilan de la ville fait état de 4,25 % pour les premiers et de 95,74 % pour les seconds. « Nous ne sommes pas des mauvais élèves, argumente-t-on du côté de la mairie, qui présente un taux de logements sociaux de 21 %. Nous avons même été au-delà des demandes de l’Etat. »
Christophe Lefèvre
Butry au point mort… à cause de retards administratifs
Si elle sait qu’elle ne respecte pas encore la loi des 25 % de logements sociaux, la commune de Butry-sur-Oise ne s’attendait pas à être autant sanctionnée par la préfecture. « Nous avons deux projets importants », argue le maire (SE), Daniel Desfoux. L’élu a déjà demandé un rendez-vous au préfet pour tenter de le convaincre de ne pas prononcer de carence pour sa commune. Le représentant de l’Etat considère que Butry n’a pas réalisé son objectif de construction de 24 logements sociaux pour la période 2014-2016. « Nous avons pris un peu de retard, reconnaît le maire. Mais c’est pour une raison administrative. Car nous avons des propositions concrètes, des terrains achetés, des plans déjà prêts… »
La ville compte construire trente logements répartis au numéro de 4 de la rue Pasteur et au 27, rue du Port-à-l’Auge. Un accord est déjà signé avec un bailleur, l’Opac. Mais c’est le classement en zone humide du second terrain qui bloque la construction. Des discussions sont en cours sur la taille du terrain que la ville mettra à disposition en tant que « zone compensatoire », pour préserver l’environnement. « Nous espérons déposer le permis de construire dans l’année pour une livraison en 2019 », souffle Daniel Desfoux. La commune développe aussi un autre programme, celui de la création d’un écoquartier aux abords de la gare. Estimant faire preuve de « bonne volonté », la municipalité ne comprend donc pas la sévérité de la préfecture.
En 2016, Butry a dû payer 10 000 € de pénalités, et 14 000 € l’année suivante. Une carence augmenterait significativement cette amende. « Une telle somme, c’est de l’investissement en moins, par exemple dans les centres de loisirs ou les crèches. Bref, les infrastructures nécessaires pour accueillir de nouveaux habitants. C’est un cercle vicieux… »
Marie Persidat