Plus de logements sociaux et mieux attribués. Deux rapports préconisent une remise à plat de la politique de construction et d’attribution des logements sociaux alors que la loi SRU arrive à échéance en 2025. A la clé, plus de sanctions pour les villes récalcitrantes.
Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) fait partie de ces villes montrées du doigt pour leur trop faible taux de logements sociaux. LP/Sylvain Merle
Leurs conclusions pourraient déclencher la colère de pas mal de maires. Deux rapports clés visant à relancer la politique sociale du gouvernement ont été remis hier à la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. Ces documents, que Le Parisien Aujourd'hui-en-France a consultés en avant-première, sont le fruit du travail de deux missions mises en place en fin d'année par la ministre pour remettre à plat la politique de construction et d'attribution des logements sociaux.
Leur objectif? Répondre à une double interrogation : comment construire davantage de logements sociaux ouverts à plus de mixité sociale? Un sujet à haut risque pour Emmanuelle Wargon, dont les propos sur le sujet début décembre avaient suscité l'ire de l'Association des maires de France (AMF). Souhaitant « casser les ghettos », elle s'est dite favorable à durcir les sanctions des communes ne respectant pas les règles sur le logement social. C'est dire si la thématique est brûlante.
Le premier rapport, rédigé par Thierry Repentin, maire de Chambéry (Savoie) et président de la Commission nationale SRU (Solidarité et renouvellement urbain), propose deux scénarios pour pousser les maires à respecter leurs objectifs de 20% ou 25% de construction de logements sociaux jusqu'à 2025 − date à laquelle la loi SRU arrive à échéance − et au-delà en prolongeant la loi par un nouveau texte.
Prolonger la loi SRU… et alourdir les sanctions
L'auteur du rapport suggère soit de proroger l'obligation faite aux communes de construire de nouveaux logements sociaux et de la décaler jusqu'en 2034 ou 2037, selon l'état d'avancement des communes. Soit de contraindre ces communes qui n'auront pas atteint leurs objectifs de 20% ou 25% de logements sociaux en 2025 à en construire 33% supplémentaires par tranche de trois ans.
« Cela représente à peu près 200 000 logements qu'il faudrait construire sur une période de trois ans sans les contraindre à respecter une date butoir mais avec un point d'étape tous les trois ans », confie le maire de Chambéry.
En contrepartie, Thierry Repentin préconise que l'Etat se dote d'outils et de sanctions « plus systématiques et alourdies » afin de faire respecter la construction de ces logements. « Aujourd'hui, les mauvais élèves ne risquent pas assez de sanctions pécuniaires et elles ne sont pas assez lourdes pour les communes récidivistes qui devraient faire l'objet de majorations automatiques doublées, triplées pour être incitatives », explique-t-il.
Objectif, mieux servir les «premières lignes»
Et de rappeler que dans la pratique, si des pénalités existent déjà, elles ne sont que rarement appliquées. « Chacun doit avoir sa place en ville, c'est l'objet de la loi SRU et de sa prorogation », insiste-t-il, rappelant le public visé. « Ces HLM abritent et doivent continuer d'abriter les personnes que l'on a applaudies lors du premier confinement chaque soir à 20 heures. Des infirmiers, du personnel hospitalier, des gardiens et caissiers, tous ceux qui sont en première ligne dans le combat contre le Covid-19, ne les oublions pas », insiste-t-il.
« Ces premières lignes » sont aussi présentes dans le rapport de Mickaël Nogal, député LREM de la Haute-Garonne et président du Conseil national du logement (CNL). Chargé de remettre à plat les modalités d'attribution de ces logements, le député formule, lui, une série de quatorze propositions. Il appelle entre autres à « simplifier la liste des publics prioritaires afin de pouvoir faciliter l'accès au logement des travailleurs essentiels à la nation ». « Il faut être proche de son lieu de travail quand on est infirmier ou travailleur hospitalier », observe-t-il.
Des gardiens d'immeuble pour plus de sécurité
Mickaël Nogal souhaite aussi accélérer l'application de la loi Elan, qui permet à l'intercommunalité de prendre le relais sur la commune dans l'attribution de logements pour une meilleure cohérence et transparence dans leur gestion. Il suggère d'aider fiscalement les communes qui construisent des logements sociaux et intermédiaires et de développer la présence humaine dans le logement social à travers des gardiens d'immeuble, chargés de la sûreté, de la tranquillité et de la médiation. « Nous l'avons mis en place à Toulouse et cela fonctionne bien, cela évite les squats et les actes de malveillance », souligne le rapporteur.
Autre mesure préconisée par le député LREM : inciter davantage les propriétaires privés à louer aux familles modestes en contrepartie d'une exonération fiscale avantageuse (jusqu'à 85 % des loyers perçus). Le dispositif existe mais reste complexe à mettre en œuvre. « Il faut mettre fin aux ghettos de riches et aux ghettos de pauvres et garantir enfin une vraie mixité sociale dans les HLM », conclut-il.
A l'origine de ces rapports, Emmanuelle Wargon espère pouvoir transformer ces propositions en texte de loi d'ici à 2022. « Il est urgent de légiférer rapidement sur le sujet car la loi SRU arrive à échéance en 2025 et il est essentiel de continuer à mobiliser d'ici là les maires à tenir leurs objectifs de construction de logements sociaux, confie-t-elle. Depuis la création de la loi SRU en 2000, 1,8 million de logements sont sortis de terre, dont 900 000 issus de communes régies par la loi SRU. C'est près de la moitié, il nous faut absolument conserver cette dynamique jusqu'en 2025 et au-delà. Il reste encore 600 000 logements à construire pour une population exclue, des premières lignes mises en avant par la crise sanitaire que nous ne devons pas oublier. »