En 2019, l’Etat a versé 38,5 milliards d’euros d’aides au logement, soit une baisse de 3,9% par rapport à 2018, selon les comptes du logement publiés fin décembre. En parallèle, les prélèvements liés au logement ont grossi de 4,8%, à 80,6 milliards d’euros.
C’est une comparaison que l’Etat s’interdit de faire mais qui en dit long sur la politique publique du logement et son évolution. En 2019, pour la première fois, les prélèvements obligatoires liés au logement (taxe foncière, imposition sur les revenus immobiliers, TVA, droits de mutation, taxes sur les plus-values immobilières, taxe sur les logements vacants…) ont représenté plus de deux fois le montant des aides au logement.
Leur total a atteint 80,6 milliards d’euros, contre 38,5 milliards d’aides (prestations sociales, subventions d’exploitation et d’investissement, avantages fiscaux, avantages de taux…), selon le compte du logement publié fin décembre par le ministère de la Transition écologique. En d’autres termes, pour 1 euro investi dans le secteur du logement, l’Etat en récupère deux. Mazette !
Il faut certes prendre cette comparaison avec des pincettes, pour deux raisons. Primo, le droit budgétaire
répond au principe d'universalité, qui signifie que toutes les ressources publiques doivent être rassemblées en une masse, le budget général, auquel on impute ensuite l'ensemble des dépenses brutes. En d'autres termes, on ne peut pas affecter certaines recettes à la réalisation de certaines dépenses – à quelques exceptions près, comme la fiscalité du tabac. Les recettes, prises globalement, permettent de financer des secteurs et services publics sans ressources propres, comme l'éducation ou l'armée.
Montant global. La comparaison entre recettes et dépenses publiques en logement serait donc « artificielle, insiste-t-on au ministère du Logement. Si on devait financer la politique du logement avec les recettes du logement, cela baisserait et augmenterait en fonction des années. Par ailleurs, pour les ménages, c'est le montant global des prélèvements qui compte, pas la part du logement contre celle de l'alimentation par exemple. En outre, il y a d'autres dépenses publiques qui concourent au logement, comme l'aménagement des territoires, les transports… »
Deuzio, le compte du logement ne prend pas en compte la taxe d'habitation (TH), « en raison de son assiette et de ses taux qui laissent une place prépondérante aux revenus relativement au service de logement fourni ». Pas non plus l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ni les droits de succession. En revanche, il intègre la TVA de services associés au logement comme l'eau, l'énergie et les assurances. Selon le spécialiste des finances publiques François Ecalle, il serait plus logique de ne pas compter la TVA mais de rajouter la taxe d'habitation, l'IFI et les droits de succession, auquel cas le ratio recettes sur dépenses serait inférieur à deux.
Toutefois, ces deux nuances ne rendent pas inintéressants les chiffres du compte du logement. Leur évolution est saisissante durant la dernière décennie. Les aides n'ont cessé de baisser (elles sont passées de 2,2 % à 1,6 % du PIB) tandis que les taxes n'ont cessé d'augmenter (entre +3 % et +6 % de volume par an ces dernières années). La réduction des aides est due surtout à la baisse des taux d'intérêt immobiliers, qui a réduit l'avantage du prêt à taux zéro par exemple, mais aussi à la baisse des aides personnelles au logement, et à l'extinction progressive du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) depuis 2018. Sur longue période, les prélèvements, eux, ont surtout augmenté auprès des propriétaires bailleurs, qui contribuent pour 41,2 % aux taxes sur le logement (33,2 milliards d'euros), avec un taux d'imposition qui a augmenté de 41 % en vingt ans !
Etat omniscient. Or depuis de nombreuses d'années, la politique publique du logement ne satisfait ni les partisans de l'interventionnisme étatique, ni ses détracteurs. Pour Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé-Pierre, « le secteur du logement est créateur d'immenses richesses assez peu méritées car elles viennent de la hausse des prix, pas parce qu'on a bien travaillé, mais qu'on a acheté et vendu au bon moment, grâce aux hasards de la vie. Donc c'est normal que l'Etat taxe beaucoup mais il est nécessaire qu'il dépense beaucoup aussi. La crise du logement est très forte », rappelle-t-il. La production HLM, notamment, est en baisse depuis 2017. La pierre rapporte à l'Etat deux fois plus qu'elle ne lui coûte
François Ecalle, de son côté, trouve absurde de taxer autant les propriétaires bailleurs pour leur redonner ensuite des avantages fiscaux via le Pinel, à condition qu'ils investissent à tels endroits et telles conditions. « Derrière, il y a l'idée que l'Etat sait mieux que le marché comment investir au mieux, mais je conteste cela. Cet avantage fiscal existe sous divers noms depuis quarante-cinq ans, chaque ministre du Logement le modifie, et on n'arrive jamais à trouver le bon ciblage car l'Etat ne sait pas faire ». « Les leviers de l'Etat sont très concentrés sur la fiscalité et la réglementation », plaide-t-on dans l'entourage de la ministre Emmanuelle Wargon. Le logement reste une vache à lait, mais l'Etat n'a pas trouvé la recette du beurre. @JadeGrandin t
par Jade Grandin De L'eprevier et @JadeGrandin T