La réforme du calcul des allocations logement sera appliquée début janvier. Objectif : 1,2 milliard d’euros d’économies sur le minimum social le plus efficace contre la pauvreté.
Les aides personnelles au logement (APL) sont encore dans le collimateur du gouvernement. Votée dans la loi de finances 2019 mais repoussée à plusieurs reprises pour des raisons techniques, la « contemporanéisation » devrait cette fois s’appliquer à partir du 1er janvier prochain. Derrière ce mot compliqué se cache un principe qui relève en apparence de la justice. Au lieu d’être calculées, comme c’est le cas actuellement, sur les revenus perçus deux ans auparavant, ces allocations, qui aident 6 millions de personnes à payer leur loyer, seront désormais versées en fonction de la situation actuelle des allocataires. Cette dernière sera recalculée automatiquement tous les trois mois par les CAF, qui recevront les informations de la base de ressources mensuelles (BRM), concoctée à partir des données transmises par les employeurs dans le cadre du prélèvement à la source. « Cette réforme va permettre à chacun d’avoir ce dont il a besoin et, surtout, de l’avoir au bon moment et non pas deux ans après, comme c’est le cas aujourd’hui », s’est récemment félicité Julien Denormandie, ministre du Logement, dans un entretien accordé à 20 minutes.
Une étude d’impact aussi bien gardée qu’un secret-défense
« Je vois des perdants et pas de gagnants », s’inquiète Camille Giraudet, de la Confédération syndicale des familles. Derrière l’argument d’une meilleure adéquation des APL aux besoins des personnes, le gouvernement ne cache pas que son objectif est de faire 1,2 milliard d’euros d’économies par an. Selon les chiffres diffusés par le Canard enchaîné, 600 000 allocataires verront leur APL disparaître à la suite de la réforme, et 1,2 million auront des prestations à la baisse. À l’exception de l’hebdomadaire satirique, personne n’a eu accès à l’étude d’impact réalisée par la CAF, qui semble aussi bien gardée qu’un secret-défense. Malgré leurs nombreuses demandes, les associations de défense de locataires n’ont pas pu l’obtenir. Pas plus que les représentants des syndicats qui ont participé, le 5 novembre dernier, au conseil d’administration de la CAF au cours duquel elles ont toutes voté contre le projet de décret entérinant la réforme.
Garantir aux moins de 25 ans un reste à vivre décent
Les jeunes actifs entrant sur le marché du travail devraient être les premiers à faire les frais de la réforme. En raison de leurs salaires plus faibles et de leur précarité dans l’emploi, les APL sont un outil indispensable pour leur permettre de se loger, dans le marché restreint et coûteux des petites surfaces dans les grandes métropoles. « Pour préserver l’accès au logement des moins de 25 ans, leur garantir un “reste pour vivre” décent et une sécurisation de la première année d’installation, nous demandons un aménagement de l’application du principe de contemporanéité des revenus pris en compte pour le calcul des APL », avaient d’ailleurs plaidé, dès novembre 2018, les associations travaillant sur le logement des jeunes. Les étudiants bénéficieront d’un régime de dérogation : leurs revenus seront calculés en fonction d’un forfait, ce qui rend l’impact de la réforme complexe à évaluer. « Cette réforme va installer de l’instabilité budgétaire », observe aussi Camille Giraudet. Au-delà des jeunes, la réforme entérine l’alignement des allocations sur une précarisation croissante du monde du travail, alors que l’accès au logement est de plus en plus difficile.
Cette nouvelle coupe s’inscrit dans une politique qui a fait du logement en général, et des APL en particulier, les principales victimes des coupes budgétaires de l’ère Macron. En même temps qu’il supprimait l’ISF, le gouvernement fait 400 millions d’euros d’économies annuelles avec la très décriée baisse de 5 euros des APL, décidée à l’été 2017. Au moins 900 millions annuels de plus ont été récupérés, en diminuant de 60 euros celles versées aux locataires de HLM. Dans sa dernière étude, l’Insee a souligné que, même en prenant en compte les réductions de loyer, consenties par les HLM pour compenser la ponction du gouvernement, la baisse des APL expliquait la hausse en 2018 du nombre de ménages dont les revenus sont passés sous la barre du seuil de pauvreté.