Il y a dix ans, le droit au logement opposable était promulgué. Une avancée sociale qui peine à être mise en place au quotidien. 58 000 ménages éligibles sont toujours en attente.
Un anniversaire en demi-teinte. Le 5 mars 2007 était promulguée la loi sur le droit au logement opposable (Dalo). Selon les termes de ce texte, depuis cette date, toute personne menacée d’expulsion et n’étant pas en situation de se reloger par elle-même peut être reconnue prioritaire pour l’accès à un logement social. Dans ce cas, elle peut aller jusqu’à saisir la justice – d’où le terme « opposable » – si le préfet n’a pas organisé le relogement dans les délais requis. Mais ça, c’est sur le papier. Après dix ans d’application, la mise en place du Dalo, sur le terrain, reste très contrastée.
Depuis 2008, selon les chiffres officiels, 123 596 ménages ont été relogés grâce à cette avancée. « Après une phase initiale d’adaptation, le nombre de relogements a fortement augmenté, passant de 12 967 en 2012 à 20 170 en 2016, soit une hausse de 55 % », détaille le ministère du Logement. Qui reconnaît, cependant, qu’une part « non négligeable » de ménages bénéficiant du Dalo rencontre encore des difficultés dans certains territoires.
Des familles attendent depuis sept ans
Un euphémisme. Mi-décembre, un rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées est venu rappeler que 58 000 ménages reconnus comme prioritaires (dont 40 000 en Île-de-France) sont toujours en attente d’une proposition de logement. Et parfois depuis sept ans ! Pis, ce même rapport, rédigé par l’ancienne ministre Marie-Arlette Carlotti, a constaté que le nombre de ménages reconnus au titre du Dalo était en baisse ces dernières années, alors même que la crise du logement n’a cessé de s’aggraver. Leur nombre est passé de 32 473 en 2013 à 25 593 en 2015, faisant chuter le taux de décisions favorables à 28,63 % (contre 45 % en 2008). Un phénomène qui s’explique par « une interprétation de plus en plus restrictive des critères de la loi » par les commissions de médiation départementales (Comed), chargées d’étudier les dossiers. Avec une fâcheuse tendance : celle d’accorder le Dalo en tenant compte, avant tout, du nombre de logements disponibles sur le territoire et non pas de la situation des ménages.
Votée en janvier, la loi égalité et citoyenneté devrait apporter quelques avancées. Selon ce texte, l’ensemble des réservataires (préfectures, mairies, organismes collecteurs du 1 % logement, bailleurs sociaux…) doivent désormais consacrer « au moins 25 % de leurs attributions aux ménages prioritaires et en particulier à ceux bénéficiant du Dalo ». Ainsi, selon les calculs du DAL, jusqu’à 120 000 HLM pourraient être mobilisées annuellement pour les «Dalo», dont 21 000 en île-de-France et 2 500 sur Paris. Autre avancée : la réquisition des logements vacants (300 000 en Île-de-France), activée par le préfet, concerne désormais également les prioritaires Dalo.
« Les moyens de respecter ce droit fondamental sont renforcés par cette loi, mais il faut désormais la volonté de les mobiliser pleinement », insiste le DAL. Hier après-midi, ce dernier a défilé avec d’autres associations (Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs, ATD Quart Monde…) derrière une banderole : « Dix ans après, applique la loi, c’est urgent ! » Un mot d’ordre plus que jamais valable.
Le DAL et deux militants de Jeudi noir doivent passer en procès ce matin, au TGI de Paris, à la suite de l’occupation de l’immeuble du 2, rue de Valenciennes (10e arrondissement) entre 2013 et 2015. Le promoteur espagnol, qui a pourtant revendu depuis son bien avec un gros bénéfice, continue de réclamer la bagatelle de 2,7 millions d’euros en réparation de son « préjudice »…