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4 octobre 2020 7 04 /10 /octobre /2020 19:52

La municipalité vient de signer une convention avec CDC Habitat, permettant au bailleur social d’acheter des logements dans des copropriétés dégradées. Objectif : lutter contre l’habitat indigne, qui prolifère.

 Sarcelles (Val-d’Oise), le 3 octobre 2020. La copropriété, allée Léon-Paul-Fargue, est rongée par les marchands de sommeil.

Sur le parking, Jacques Roussilhe, président du syndic, liste les logements suroccupés : « Alors, ici au numéro 16, vous avez quinze Pakistanais dans un appartement. Là-bas, au troisième, quatre familles asiatiques dans un quatre-pièces. Au 8, vous avez une dizaine de Roumains au troisième… »

« Bref, il y en a partout, reprend Yann, propriétaire. Les appartements sont dans un état déplorable, avec de la moisissure, des fuites d'eau, des prises arrachées… Je ne sais pas comment ils font pour vivre dans de telles conditions. »

La copropriété, composée de quatre barres d'immeuble en forme de U, allée Léon-Paul-Fargue, à Sarcelles (Val-d'Oise), est rongée par les marchands de sommeil. Sur les 110 appartements de la copro, divisée en onze cages d'escalier, une « dizaine » a été achetée ces dernières années par des propriétaires peu scrupuleux. Parmi eux, sept logements sont la propriété d'un seul et même homme.

Sarcelles (Val-d’Oise), le 3 octobre 2020. Jacques Roussilhe, président du syndic, et Yann, propriétaire, n’en peuvent plus des marchands de sommeil. LP/Victor Tassel
Sarcelles (Val-d’Oise), le 3 octobre 2020. Jacques Roussilhe, président du syndic, et Yann, propriétaire, n’en peuvent plus des marchands de sommeil. LP/Victor Tassel  

« Il en a même plusieurs dizaines dans tout le quartier, s'époumone Jacques Roussilhe, 77 ans, habitant la copropriété depuis sa construction en 1969. Il crée des SCI à tour de bras et achète tout ! Ensuite, il met des loyers énormes et il entasse des locataires. C'est son métier ! Nous sommes submergés, nous ne savons plus quoi faire… »

CDC Habitat va acquérir 80 logements

Face à un fléau grandissant dans la ville, en particulier au Grand Ensemble, la municipalité s'arme. « Nous voulons lutter contre ce phénomène et rendre la vie impossible aux marchands de sommeil », insiste Jean-Jacques Krys, adjoint aux copropriétés. Après le permis de louer, Sarcelles vient de signer une convention de « portage immobilier » avec CDC Habitat.

D'une durée de trois ans, elle va permettre au bailleur social d'acquérir 80 logements, situés dans des copropriétés privées en grandes difficultés du quartier des Lochères. Dix ont été identifiées. « L'objectif est de favoriser leur redressement, en achetant les logements des propriétaires occupants en impayés et en situation de précarité, et afin d'éviter l'arrivée de marchands de sommeil sur le site », explique CDC Habitat.

Ce dispositif, inédit dans le Val-d'Oise, a déjà été expérimenté, avec succès, à Evry (Essonne), Bondy (Seine-Saint-Denis), Toulouse (Haute-Garonne) ou encore la Métropole Aix-Marseille Provence (Bouches-du-Rhône). Au total, CDC Habitat, filiale de la Caisse des Dépôts, s'est engagé à acheter 5000 logements sur le territoire français.

Un moyen de lutter contre les logements indécents

Dès qu'une vente dont le prix particulièrement bas alerte sur la possibilité qu'un marchand de sommeil n'en fasse l'acquisition, la commune pourra solliciter le bailleur social. « La ville n'a pas vocation à bloquer toutes les ventes, ou acheter tous les appartements, souligne Jean-Jacques Krys. Nous tentons ce nouveau dispositif pour renforcer notre arsenal. »

Après l'achat de l'appartement, le bailleur social y installera des locataires sociaux. Il pourra, aussi, revendre le bien après plusieurs années. « Ils pourront remettre le logement en état, maintenir un certain niveau dans la copro en payant les charges et en impulsant des projets, souligne Jean-Jacques Krys. C'est un partenaire sérieux. »

Et de soulager financièrement les copropriétaires

En plus d'empêcher une dégradation des parties communes ou à des familles entières de vivre dans des taudis, CDC Habitat pourra soulager les finances des autres copropriétaires. Parfois aux abois. « Puisqu'un marchand de sommeil ne prend généralement pas la peine de payer ses charges! », lance l'adjoint. A la copropriété de l'allée Léon-Paul-Fargue, les chiffres donnent le tournis.

Chaque année, les impayés se chiffrent à environ 100 000 euros. Sans compter l'augmentation des factures d'eau et d'électricité, due à la suroccupation des logements. « Nous avons aussi les frais d'avocat, puisque nous attaquons ces propriétaires. L'année dernière, nous avons dépensé 20 000 euros ! avance Jacques Roussilhe. Nous avons besoin de la mairie ! »

Un trafic de location de matelas

Une enquête des services d'hygiène va être diligentée et plusieurs dossiers composés pour venir à bout des marchands de sommeil. Mais le temps sera long. En plus des logements suroccupés, un trafic de location de matelas se déroulerait… dans les caves. Dans le sous-sol du numéro dix, un matelas deux places et son sommier sont prêts à l'emploi.

Sarcelles (Val-d’Oise), le 3 octobre 2020. Un trafic de location de matelas se déroulerait dans les caves de cette copropriété, allée Léon-Paul-Fargue. LP/Victor Tassel
Sarcelles (Val-d’Oise), le 3 octobre 2020. Un trafic de location de matelas se déroulerait dans les caves de cette copropriété, allée Léon-Paul-Fargue. LP/Victor Tassel  

Au 6, Salomon a eu, un soir, la surprise de découvrir une femme en sous-vêtement dans sa cave. « C'est terrible, soupire le retraité. Jamais je n'aurais pu imaginer que des gens puissent en venir à dormir comme cela. Ici, ça s'est dégradé au fil des années… » Sur le palier, l'appartement en face abrite six hommes… dans 32 mètres carrés.

« Regardez, le nombre de noms sur la boîte aux lettres, lance Françoise, sa femme. Eux, ça va, ils ne posent pas de soucis. Dans d'autres immeubles, c'est l'enfer pour les voisins entre le bruit, les allers-retours incessants… Il est temps que cela cesse, que l'on retrouve une vie normale. »

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